Afrique : Génération Kémite et « Sebafricaine »
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com
L’Afrique est le continent le plus jeune ce qui incite les observateurs à soutenir un avenir radieux, promis aux 54 pays aspirant à un développement sur tous les plans.
Cette jeunesse du continent est évaluée à une moyenne d’âge de 19 ans. En 2050, l’Afrique sera peuplée de 850 millions de jeunes, soit presque un milliard d’habitants pour cette seule catégorie d’âge. Autant dire, il faudra composer avec elle, eu égard au pouvoir qu’elle détient ou détiendra. Il n’y a rien d’étonnant, si un homme en occident a compris l’enjeu fondamental concentré sur cette jeunesse africaine. En effet, Emmanuel Macron est parti à la rencontre de cette jeunesse en 2017, à l’amphithéâtre « Khadafi » de l’université de Ouagadougou au Burkina Faso et a lancé, peu de temps après, son Conseil Présidentiel pour l’Afrique (CPA) pour tenter d’y créer un soft power. Si jusqu’à présent, l’effet produit est encore loin des attentes initiales, cette initiative aura eu le mérite d’exister. Toutefois, la jeunesse africaine tient, quant à elle, une position diamétralement opposée à leurs aïeux et à la vision française pour l’Afrique. Cette jeunesse entend changer radicalement ses relations avec l’occident y compris la France. Elle pointe la relation indigeste issue de la Françafrique, concept lancé par Houphouet Boigny. Elle l’exprime parfois de manière plus violente ou prononcée que Frantz Fanon, Aimé Césaire, Cheik Anta Diop. C’est pourquoi au cours de ces dernières années, l’ancienne puissance tutélaire a été ébranlée. Le Président François Hollande accueilli comme une figure paternelle, le 2 février 2013, avec cette pancarte brandie « Merci à Papa Hollande et aux tontons Le Drian et Fabius », relève, dirait-on, déjà « d’un ancien monde[1] ». Emmanuel Macron l’a appris à ses dépens lorsque la jeunesse africaine, au Burkina Faso, n’a pas hésité à l’interpeller sur les relents « Françafrique » y compris sur la question monétaire liée au Franc CFA[2].
Une aversion qui a obligée à rebaptiser le Franc CFA en Eco pour changer la forme à défaut d’une véritable monnaie souveraine pour les pays membres de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). À d’autres égards, le G5 Sahel a connu aussi sa zone de forte turbulence lorsque les jeunesses confondues en provenance du Mali, du Burkina Faso et du Niger exigeaient le départ des troupes françaises. Des velléités qui ont été vite étouffées par les présidents en exercice, toujours à la botte du Gendarme français, il est vrai.
L’avènement d’Ousmane Sonkho, l’homme politique qui grimpe au Sénégal, traduit un courant idéologique qui vient s’opposer aux « illustres » aînés jugés un peu trop serviles. Les instigateurs de cette pensée politique se revendiquent d’une lignée indépendantiste comme Thomas Sankara, Modibo Keita, Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, pour ne citer qu’eux.
Un homme est devenu influent : kemi Seba
Cette contagion, qu’elle soit positive ou négative, tient en grande partie à un homme : Kemi Seba. Fort d’une faconde, viril comme il aime se décrire et qualifier sa vision politique, et surtout « insoumis » au système occidental de près ou de loin. Sans aborder son « judéocentrisme », pour faire dans l’euphémisme, dans la lecture des relations internationales, il convient de plus s’attarder sur son influence incontestable sur le continent africain. Le terme mondialisme appartient aussi au vocable de celui qui prétend être un prédicateur. Kemi Seba sillonne le continent, distille ses idées séduisantes et n’hésite pas à mettre en avant son côté téméraire.
La communication qui est déployée par ce dernier participe indéniablement à sa notoriété. Parfois, il vient rappeler sa culture occidentale lorsqu’il brûle un billet de franc CFA, le 17 août 2017 à Dakar à l’instar de Serge Gainsbourg. Il prend plaisir à vilipender les chefs d’État les plus impopulaires auprès d’une certaine jeunesse africaine, tel qu’Alasane Ouatara ou Macky Sall sans épargner aussi les populaires comme Paul Kagame. Plus surprenant, ce qui peut susciter une crainte aujourd’hui dans la profusion de ses idées, beaucoup de conseillers prodiguent et déploient cette vision dans des ministères stratégiques parmi les pays d’Afrique noire. La vision selon laquelle, il faudrait s’insurger contre toute présence occidentale, dans un esprit revanchard ou en représailles d’un passé colonial, ressemble à tout, sauf à une politique intelligente, mature et garantissant la « sainte » souveraineté. En adoptant ou en transposant la sociologie d’une lutte des classes à une lutte des pays entre le Nord et le Sud revient à faire tout sauf de la géostratégie et de la géopolitique plus que nécessaire à tout pays appartenant à la communauté internationale, y compris l’Afrique.
[1]Une citation qui a donné lieu à un livre intitulé « Papa Hollande au Mali » écrit par Nicolas Beau.