
Changement climatique : entre adaptation agricole et souveraineté alimentaire, deux visions complémentaires

À l’heure où le dérèglement climatique impose une refonte des modèles agricoles mondiaux, deux approches émergent : l’innovation génétique dans les cultures tropicales comme la banane, et l’industrialisation agroalimentaire au service de la résilience. Des réponses présentées à la 15ᵉ édition du Forum Investir en Afrique, co-organisé par L’Opinion et le CIAN, véritable carrefour d’échanges pour les acteurs économiques, politiques et sociaux du continent.
Crise climatique et banane sous pression : le pari biotechnologique
Face aux impacts directs du changement climatique sur la culture de la banane, les producteurs se retrouvent au pied du mur. Longtemps considérée comme une culture robuste, la banane subit aujourd’hui des attaques multiples : maladies, stress hydrique, élévation des températures. Or, contrairement à d’autres espèces, son amélioration variétale reste lente et complexe, freinée par son mode de reproduction végétatif.
Si les technologies d’analyse d’image, la géolocalisation des alertes ou encore l’anticipation météorologique permettent de limiter les pertes à court terme, elles ne suffisent pas à enrayer le problème. La vraie réponse pourrait venir de la biotechnologie, notamment via l’édition génétique (CRISPR-Cas9). Cette approche, déjà récompensée par un prix Nobel, permet d’activer ou de désactiver certains gènes, pour exprimer des résistances naturelles – à la sécheresse, à la chaleur, aux ravageurs – sans passer par la transgenèse.
Une piste jugée indispensable, quand on sait que la banane représente plus de 150 millions de tonnes produites chaque année dans le monde, un volume qui la place au cœur du mix alimentaire mondial, juste derrière le riz.
🇲🇬 Madagascar : industrialiser pour mieux se nourrir
À Madagascar, c’est une stratégie plus structurelle qui est mise en œuvre. Pour David-Herizo Ralambofiringa, ministre de l’Industrialisation et du Commerce, l’enjeu n’est pas uniquement de produire plus, mais surtout de mieux transformer localement. Malgré un immense potentiel agricole – 33 millions d’hectares de terres arables, dont moins de 2 millions sont utilisés –, l’île importe aujourd’hui 80 % de ses produits alimentaires transformés, y compris ceux issus de ses propres ressources.
L’exemple des tomates est criant : des tonnes sont cultivées localement, mais faute d’usines de transformation, le pays importe du concentré. Idem pour le sucre, où la production nationale couvre à peine un tiers de la demande. Pour inverser cette tendance, Madagascar mise sur l’industrialisation : créer des unités de transformation proches des bassins de production, structurer les filières, conserver les surplus, et lisser la distribution sur l’année.
Avec un bilan carbone presque neutre, le pays cherche à se positionner comme un modèle d’industrialisation durable, où les gains de productivité ne se font pas au détriment de l’environnement. Une stratégie qui allie résilience climatique, sécurité alimentaire et montée en gamme économique.
Deux modèles, une même finalité
Les discussions du Forum Investir en Afrique ont clairement mis en lumière la diversité des réponses face aux défis climatiques. D’un côté, la recherche génétique pour adapter les cultures au choc thermique. De l’autre, l’industrialisation raisonnée comme levier de souveraineté alimentaire. Deux chemins distincts, mais convergents, vers un objectif commun : assurer l’alimentation des populations tout en préservant les équilibres environnementaux et économiques.