
Investissements en Afrique : repenser le financement des projets énergétiques

À Paris, lors du Forum « Investir en Afrique » organisé par L’Opinion et le CIAN, décideurs publics, bailleurs de fonds et entreprises ont débattu des solutions pour combler le déficit de financement des projets structurants, en particulier dans le secteur de l’énergie. Un enjeu stratégique pour un développement durable et inclusif du continent.
Un potentiel immense, un accès à l’énergie toujours limité
Avec une population jeune et en forte croissance, les besoins énergétiques de l’Afrique explosent. Pourtant, plus de 600 millions d’Africains restent privés d’accès à une électricité fiable. Cette situation, dénoncée à plusieurs reprises durant le forum, freine l’industrialisation et l’amélioration des conditions de vie. Les projets existent, les ressources naturelles aussi, mais les moyens financiers et les garanties pour attirer les investisseurs font encore défaut.
La question de la bancabilité des projets, essentielle pour mobiliser les financements privés, reste au cœur du problème. Instabilité réglementaire, risques politiques, manque de clarté des cadres juridiques, en particulier en Afrique francophone, dissuadent encore bon nombre d’acteurs internationaux.
Afrique : accès à l’électricité (carte) – Source : Alternatives-economiques
Le gaz, énergie de transition ou frein à la décarbonation ?
Alors que la transition énergétique mondiale privilégie les renouvelables, certains participants ont plaidé pour un recours pragmatique au gaz naturel comme levier de développement. Il s’agit, selon eux, d’une ressource locale permettant de sortir du fioul, d’alimenter des centrales plus fiables, et de soutenir la montée en puissance des industries.
« On ne peut pas appliquer à l’Afrique les mêmes recettes qu’à l’Europe », a insisté un intervenant. La priorité pour le continent reste d’électrifier, en sécurisant les approvisionnements. Dans cet équilibre délicat, le gaz peut jouer un rôle transitoire vers une économie plus verte, si les projets sont pensés en cohérence avec les enjeux climatiques.
Vers des modèles de financement plus adaptés
Les dispositifs classiques de financement ne répondent plus aux exigences du terrain. Le forum a mis en avant l’importance des montages hybrides, associant capitaux publics, privés, et garanties multilatérales. Ces montages doivent être souples, inclusifs, et permettre d’absorber une part du risque initial pour faciliter l’entrée des investisseurs.
Les intervenants ont souligné que le financement ne peut plus être considéré comme une simple ligne budgétaire. Il doit être conçu comme un levier de transformation, intégrant des objectifs sociaux et environnementaux dès la phase de conception. Le contenu local, la création d’emplois, la réduction des inégalités régionales sont désormais des critères aussi importants que la rentabilité.
Capital humain : la formation, clef de la réussite des projets
La jeunesse africaine constitue un immense vivier de talents, encore trop peu mobilisés. Pour rendre les projets viables à long terme, il est impératif de renforcer les compétences locales : ingénierie, maintenance, gestion de projet, numérique. Plusieurs participants ont insisté sur l’importance de former localement pour éviter une dépendance extérieure.
Des initiatives réussies montrent la voie : le Kenya, pionnier dans les renouvelables ; le Rwanda, champion de l’inclusion énergétique des zones rurales. Ces exemples prouvent qu’avec une gouvernance cohérente et des financements bien structurés, l’Afrique peut mener sa propre transition énergétique.
Une dynamique à amplifier
Le Forum « Investir en Afrique » a confirmé que les énergies africaines ne manquent ni d’ambition ni d’innovation. Mais pour libérer leur potentiel, un changement de paradigme s’impose : concevoir des projets sur mesure, co-construits avec les acteurs locaux, soutenus par des dispositifs financiers souples et progressifs.
À l’heure où le monde repense ses modèles énergétiques, l’Afrique doit pouvoir choisir sa trajectoire. Non pas en reproduisant des standards importés, mais en affirmant une stratégie propre, résolument tournée vers un avenir durable et inclusif.