Madagascar : restitution controversée de la couronne du dais de Ranavalona III
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Restitution en catimini
Le 5 novembre 2020, la ville des mille vibrait en son cœur, au sein du Rova d’Antananarivo suite au retour de la couronne du dais royale de Ranavalona III, un butin de la colonisation de la France, un vestige du temps royal malgache conservé pendant 110 ans au Musée de l’armée de Paris en France. Rajoelina a marqué un point en obtenant la restitution de cette pièce royale unique. C’est une victoire diplomatique très symbolique arrachée aux politiques françaises. Car bien même l’engagement de Ouagadougou, au Burkina Faso de Macron de restituer les œuvres africaines recensées dans les musées Français, les sénateurs** Français se sont opposés à cette restitution*, ils n’ont pas approuvé cette restitution en catimini. Pour le Sénat Français, cette pièce n’est pas cessible au gré des relations internationales. Il faut entendre par là que Macron a sacrifié l’intérêt culturel, scientifique et patrimonial des collections françaises en faveur des enjeux diplomatiques avec la Grande Ile. De surcroît, les sénateurs Français ont appris le retour de cette couronne du dais de Ranavalona III par voie de presse, ils considèrent donc avec stupéfaction que c’est un mépris de toute consultation de la représentation nationale, seule autorité compétente pour donner l’autorisation de sortie de biens des inventaires nationaux.
Vers l’ubérisation des éléments de patrimoine et œuvres d’art africain ?
À ce jour pas moins de 46 000 éléments de patrimoine africain sont concernés par des demandes de restitutions. Mais la loi n’est pas favorable puisque tous éléments de patrimoine, les œuvres d’arts africains, les butins de la colonisation d’avant 1970 ne sont pas cessibles. La convention de l’Unesco de 1970 imposant la restitution de ces œuvres n’est pas rétroactive. Le discours tenu par l’Ambassadeur de France devant le Palais de Reine rénové lors de la restitution de la couronne du dais de Ranavalona III est donc à écouter avec nuance : « Chercher toutes les formes possibles de circulation des œuvres », cela sous-entend que dans l’avenir, avec la mise en œuvre d’une vaste politique patrimoniale d’avenir les éléments patrimoniaux seront devenus des objets universels, appartenant à tous et partagé à tous : une marche vers l’ubérisation des patrimoines et des œuvres d’art africain.
Construire ensemble
Mais avant de mettre en place ces nouveaux champs de coopération autour du patrimoine, il faudrait d’abord panser les blessures qui sont restées ouvertes du passé. La restitution de cette couronne du dais royal de Ranavalona III est un pas significatif, mais était-elle accompagnée d’un temps d’éducation, un temps pour réviser et réfléchir ensemble notre histoire commune et repenser aux événements passés qui posent encore problème aujourd’hui entre la France et Madagascar. Il est nécessaire d’entreprendre la voie d’acceptation du passé pour vivre mieux le présent et s’affranchir de tout héritage colonial. Il est important de se souvenir comment nos ancêtres ont vécu des moments douloureux, comment ils ont senti leur honte et leur défaite face à la colonisation et à la fin d’une histoire qu’ils ont connue, comment ils exprimaient leur colère, leur fierté et comment ils ont combattu pour leur liberté et l’indépendance du pays pour entamer ensuite un dialogue avec la France et pouvoir tenir debout et fiers devant le grand Palais de Manjakamiadana qui de son nom appelle à la Paix. Tout cela reste à construire ensemble.
*Restitution vs Retour. Restituer veut dire : rendre quelque chose que l’on possède indûment. Terme controversé, en opposition les Français veut le changer par le mot « retour ».
**Les sénateurs en colère, Les Echos, 4 novembre
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