Les oubliés de l’Afrique
Par Grégory SILENY, Éditorialiste.
Si l’Afrique entretient une image positive grâce aux nouvelles locomotives du continent comme le Rwanda ou l’Éthiopie, d’autres pays sont laissés à l’abandon.
À Madagascar, les populations de la région du Grand Sud font partie des « grands oubliés du monde ». Le rapport alarmant de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) évoque le chiffre stupéfiant de 730 000 malgaches touchés par l’insécurité alimentaire, principalement dans les 3 régions d’Androy, Anosy et Atsimo Andrefana. La présence d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) est étrangement infime alors que chaque année des milliers de malgaches sont contraints de se déplacer. Tributaire des terres agricoles, les conditions climatiques et le kere, la faim en malgache, ne favorisent en rien la sédentarisation des populations. Depuis septembre, la sécheresse est continue rendant impossible la pratique de l’agriculture.
Objectif : stopper le Kere !
Andry Rajoelina a pris conscience de l’enclavement de la région et multiplie les déplacements et surtout les gestes envers cette région. Des fonds ont été alloués à hauteur de 5 millions de dollars par la Banque Mondiale alors que les experts évoquent le besoin d’injecter 189 millions de dollars sur une période triennale. Mais, à la mesure du chantier, ces actions ne peuvent suffire rendant presque inéluctable la mobilisation des bailleurs de fonds et de la communauté internationale. Nombreux observateurs décrivent la région dans une situation d’extrême pauvreté. Le Grand Sud subit une double peine la famine et l’indifférence générale.
Morts en Afrique : une triste banalisation
Au Burkina Faso, autre pays en grande difficulté, le gouvernement ne parvient pas à interrompre le comptage de morts. Il ne s’agit pas des conséquences du changement climatique mais de la question épineuse du terrorisme. Le village de Barga, situé dans le nord du Burkina Faso, a dénombré 48 morts après une attaque terroriste, il y a quelques jours. Que ce soit le climat ou le terrorisme, ces événements produisent les mêmes effets puisque 615 000 burkinabés ont été contraints de se déplacer vers le village de Kaya. Un lieu qui accueillait à peine 70 000 habitants avant le fléau qui a touché la région du nord. Dans un contexte de psychose mondiale, lié au coronavirus, les pays sont témoins du deux poids deux mesures. Aujourd’hui, le Burkina Faso a décrété un deuil national dans une indifférence générale. Le G5 Sahel est loin d’apporter des solutions pérennes. Une réalité qui oblige les États africains à davantage se retourner vers eux-mêmes. Ces obstacles auxquels sont confrontés les États interrogent sur le rôle des institutions supranationales. L’Union Africaine est clairement visée. Elle doit tenir compte des conditions disparates entre ses pays membres. Imposer progressivement des taxes nationales ou régionales, pour constituer des fonds d’urgence profitables aux pays, est une priorité. Les pays sont toujours réticents à mutualiser des fonds et à redistribuer pour l’intérêt général du continent. Mais, sinon la jeunesse africaine qui doit incarner la nouvelle force dans l’agenda 63, va devenir une sombre jeunesse sacrifiée.
[mo-optin-form id=2]