Sélectionner une page

Intellectuels de la Diaspora malagasy : Comment bâtir, développer, faire émerger Madagascar en Afrique ? 

Intellectuels de la Diaspora malagasy : Comment bâtir, développer, faire émerger Madagascar en Afrique ? 
[social_warfare ]

Interview avec M. RABENASOLO, Président de la Fraternité Protestante Des Malgaches Et Malgachophiles De France

Pour commencer, dans un souci éthique et d’honnêteté intellectuelle, ce qui nous permettra de poser le cadre de cet entretien, en cette période de crise sanitaire mondiale, il est difficile d’imputer une responsabilité à la Présidence RAJOELINA, autrement dit rendre responsable la présidence actuelle de l’état actuel de l’économie malagasy, eu égard à la crise sanitaire ? Pour rappel, aucun pays n’avait expérimenté une telle situation sur le plan sanitaire dans l’économie mondialisée à laquelle nous appartenons, ce qui a ébranlé des nations fortes comme les États-Unis, la France, le Royaume-Uni ou des nations émergentes comme le Brésil et l’Inde, quid d’un pays comme Madagascar… 

Merci de l’interview.

En préambule, je fais mien cet appel : ‘’Pour un nouveau Madagasikara !’’ et entends le partager. Bâtir, développer, les mots essentiels lancés dans le titre de cet entretien. Au niveau de Madagasikara, un pays-continent, bâti sur une soixantaine d’années d’indépendance octroyée sur autant ou presque d’années d’annexion coloniale et sur quelques siècles de pleine souveraineté. Et depuis deux ans, Madagascar est frappé par la pandémie de la Covid-19. Un pays riche en potentialités humaines et naturelles pour se développer. Et pourtant, une réalité déplorable : Une population à une large majorité pauvre et happée par la spirale de l’appauvrissement continu.

Un pouvoir et une responsabilité partagés entre cinq catégories de détenteurs : Les élus politiciens, les désignés de l’administration, les chefs religieux, les riches, la communauté internationale.  En somme, une petite minorité vivant dans l’aisance aux dépens de la majorité survivant dans la misère.

Et sur le bord du chemin : L’élite intellectuelle, sur place comme à l’extérieur, peinant à articuler son travail de réflexion à son effort d’action concrète.

Continuons sur le volet économique, qui est un pilier du développement, si nous souhaitons entrevoir une société plus rayonnante et plus juste pour Madagascar. Depuis 2001, Madagascar a choisi d’un seul corps et d’une seule voix, le libéralisme économique. La majorité des pays de la communauté internationale opte pour ce modèle, y compris en Afrique, comme nous l’observons en Côte d’Ivoire ou au Sénégal. Est-ce que c’est la solution incontournable et adaptée pour Madagascar ? 

D’emblée, non. Pour ce qui me concerne. Et surtout ce n’est pas choisi d’un seul corps et d’une seule voix.  Si c’était la solution, cela se verrait après plus d’un siècle de mise en pratique de ce libéralisme sous divers habillages : Le libéralisme en apartheid de l’administration coloniale, le libéralisme en domination financière de la mondialisation actuelle. Libéralisme vécu de façon plus ou moins consciente selon les cas, selon les décideurs.

Avec pour Madagasikara, deux facettes : Le libéralisme internationaliste cleptocratique et le libéralisme nationaliste paternaliste. Avec un égal effet pour les Malagasy : Affaiblis dans leur capacité, autant de réfléchir que d’agir et réduits à survivre dans la culture de l’assistanat.

Dans une perspective politique, en associant intégralement votre pensée, n’aurons-nous pas à capitaliser en déployant un système plus hybride, tout en y intégrant le libéralisme économique ? L’histoire politique nous démontre, que tout peut être envisageable, j’ai pour pensée ce qui se déploie dans un pays comme l’Arabie Saoudite qui parvient à associer tradition, religion, libéralisme et aussi du patriotisme économique, malgré les autres reproches dont fait l’objet la monarchie du Moyen-Orient. 

Avec l’évocation d’un pays comme l’Arabie Saoudite dans la situation actuelle, il convient de rappeler celle du Japon qui a longtemps fait rêver bien de nationalistes Malagasy en ne citant que le Pasteur et Député Ravelojaona. Rêve que personnellement je partage pour y avoir bénéficié d’un séjour prolongé et pour y avoir été fasciné par cette civilisation ancrée dans sa tradition millénaire et en même temps s’élançant dans une modernité d’avant-garde. Le Directeur Général, mon collègue et ami, toujours en strict costume-cravate en milieu professionnel, s’en dépouille au seuil de la porte coulissante du chez lui pour endosser son kimono. 

Cette idée d’associer tradition, religion et patriotisme pour concevoir et développer une doctrine multidimensionnelle adaptée présente une piste sérieuse et porteuse d’espoir.

Dans cette doctrine, les différents volets pour développer l’homme et tout homme doivent être bien identifiés avec une nécessaire priorisation dans la mesure où la recherche d’efficacité et de pérennité exige du pragmatisme et une logique d’enchaînement.

Et prendre conscience de cette réalité de l’incarnation de la Nation, de la volonté de vivre ensemble : Un perpétuel renvoi, plus ou moins conscient, à l’image d’un Souverain, d’un Andriamanjaka. Tout détenteur de pouvoir à la tête de l’État y est attiré : Si j’étais Roi, que de biens je ferais pour mon peuple. Que tout un chacun, y compris du peuple en face de ses difficultés au quotidien, y pense : Si nous avions un Roi, que de biens nous aurions eus de notre Messie tout puissant et tout bon.

A défaut d’un retour improbable à la monarchie donnant suite à Ranavalona III, reine de Madagascar, reconnue internationalement, la réflexion peut être menée sur la piste du poste de Chef d’État exercé par chacun des Chefs de Région élus en adoptant une périodicité semestrielle et une alternance automatique dans un calendrier sans fin hors du rythme des élections législatives.

Législatives, garantes de la légitimité de la désignation d’un Premier Ministre issu automatiquement du Parti politique ayant obtenu la majorité du suffrage des citoyens.

Avec des Partis politiques à part entière. Loin de la réalité des groupements clientélistes éphémères. Réalité existant depuis plus d’un siècle et perdurant jusqu’à présent. Les soi-disant Partis politiques n’ont été ou ne sont que des coquilles vides emportées au premier coup dur d’une élection perdue ou d’un coup d’État mafieux ravageur.

Les vrais Partis politiques se situent sur une même longueur d’onde, celle de l’ancrage doctrinal avec un curseur allant du Libéralisme au Socialisme. 

Le Libéralisme, situé dans un positionnement dit ‘’à droite’’, se fonde sur un ensemble de valeurs autour des notions de propriété, individualisme, initiatives privées, réussite personnelle, primes aux mérites, richesses financières, spéculations sans frontières, transactions opaques, mondialisation. L’essentiel du rôle de l’état consiste à assurer la protection et la promotion des porteurs de ces valeurs, au pays comme à l’extérieur. 

Et la justification ou le prétexte, plutôt, d’enrichissement d’une minorité d’individus, certes, mais avec effet de ruissellement attendu pour le bien de tout le monde. Plus les riches seront de plus en plus riches, plus il y aura de rentrées fiscales et plus l’État aura les moyens d’une politique sociale au bénéfice du reste de la population, les pas riches.

Le Socialisme, situé dans un positionnement dit ‘’à gauche’’, se fonde sur un ensemble de valeurs autour des notions de solidarité, biens communs, actions d’intérêt général, souci pour les moins nantis, efforts de tous, juste partage des résultats, maitrise financière pour une attention particulière sur les besoins de la majorité, souveraineté nationale, transactions transparentes.

Plus l’État porte ses efforts au bénéfice de la majorité des peu nanties, plus l’ensemble de la population se retrouve en situation de vivre mieux et de contribuer aux rentrées fiscales de plus en plus massivement. Avec l’effet d’un cercle vertueux dans les relations internationales.

Soyons désormais plus terre à terre, faisons de la «  politique fiction », vous êtes conseiller du Président aujourd’hui, nous sommes en pleine crise sanitaire et économique, quelles sont les 3 mesures prioritaires que vous lui susurrez pour une relance de l’économie malagasy ?

Faire le choix d’un changement radical avec trois mesures :

  1. Jouer la transparence et dire la vérité sur la situation réelle du pays tant du point de vue sanitaire que du point de vue économique, en adoptant les solutions internationales qui ont fait leur preuve : Promotion massive de la vaccination. – Disponibilités financières massives pour assurer le règlement sans tarder des arriérés de l’État (bourses, salaires, indemnités, factures,…).
  2. Assurer l’allocation d’aide financière massive à trois des secteurs sinistrés : Social, Tourisme et Agriculture. 
  3. Constituer une Cellule de crise excluant tous ceux déjà parties prenantes sur la scène politique, personnalités de la majorité comme de l’opposition. Cellule ayant pour mission de concevoir et mettre en pratique la stratégie pour réaliser les deux mesures précédentes et pour en assurer le suivi.

Faire ainsi confiance à une population ‘’adulte’’, apte à comprendre et à fournir ensemble l’effort gigantesque attendu de tous, autant ceux au pays que ceux en outre-mer.

En quoi votre première proposition, que vous jugez primordiale et prioritaire, peut-elle avoir une vertu sur le plan économique et pourquoi les autorités actuelles n’y ont-elles pas pensé ou n’y parviennent pas à l’appliquer ? 

Elle instaure un climat d’apaisement, de confiance et de sérénité, condition préalable pour donner toute chance de réussite au plan de relance économique. Il manque aux autorités actuelles une réelle et énergique volonté politique cohérente allant dans ce sens.

Je souhaite poursuivre sur ce qui fait les difficultés du contexte malagacho-malagasy indépendamment de la situation actuelle. Pourquoi Madagascar, pays insulaire sans guerre inhérente à un pays voisin gênant, sans guerre civile endogène depuis son indépendance, n’est pas parvenu à éclore économiquement, au cours de ce 21ᵉ siècle. J’insiste sur le volet économique et non sur les autres aspects qui sont et peuvent aussi y être agrégés ?

La raison fondamentale : Manque de confiance à un double niveau, celui de la confiance en soi et celui de la confiance entre Malagasy. 

Avec en déclinaison logique : 

  • Un Malagasy détenteur d’un pouvoir s’adonne à un plaisir désastreux et parfois en réflexe inconscient à chercher et à trouver comment détruire une initiative d’un Malagasy. 
  • Il éprouve une présomption quasi-automatique de confiance envers un étranger, un ‘’vazaha’’, et met autant d’énergie à lui venir en aide qu’il en met pour détruire l’initiative d’un Malagasy.
  • Le Malagasy en arrive à souhaiter aller ailleurs pour trouver les conditions normales pour se réaliser.
  • Un Malagasy honnête, dans les conditions actuelles, n’a qu’une envie, celle de trouver une opportunité pour réaliser son souhait ardent d’aller ailleurs, et perd de plus en plus espoir d’un avenir meilleur sur place.
  • Le monde économique est laissé aux mains d’acteurs, Malagasy ou pas, satisfaits de la situation actuelle propice aux activités permettant de s’enrichir rapidement par un système bien rodé de corruption généralisée.
  • Les différents maillons devant assurer le développement du volet économique sont défaillants. Il s’agit notamment  de la sécurité des biens et des personnes ainsi que de la justice.
[social_warfare ]

A propos de l'auteur

Gregory SILENY

CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l'analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l'Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *