Madagascar : Limogeage de Richard Randriamandrato?

Gregory SILENY

CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF

Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com

À Madagascar, le limogeage du Ministre des Affaires étrangères, Richard Randriamandrato a surpris par sa rapidité, quelque temps après le vote condamnant des annexions illégales de la Russie sur l’Ukraine. Cette décision survient, alors que plusieurs dossiers de grande importance visent le Ministère : la restitution des îles éparses, les nouvelles alliances bilatérales, y compris celles avec la Russie, la grève des fonctionnaires depuis 9 mois.  

Au sein du Ministère des Affaires Étrangères, il convient de réfléchir à deux fois avant de décider de prendre ses fonctions. En plus d’être un portefeuille stratégique, depuis une dizaine d’années, le titulaire de la fonction occupe les lieux durant 9 mois en moyenne. Patrick Rajoelina et Richard Randriamandrato n’auront donc pas dérogé à cette sentence qui pèse sur les affaires étrangères. Une chose est certaine, la guerre en Ukraine crée des remous en interne puisque les reproches adressés à Richard Randriamandrato semblent identiques à celles qui ont été à l’origine de la destitution de Patrick Rajoelina. Alors que Madagascar s’est sensiblement rapproché de la Russie sur le plan militaire, à l’image de plusieurs pays africains voulant sortir un tant soit peu du joug français. Les deux derniers ministres malagasy se sont illustrés en adoptant une position francophile qui n’a eu guère d’approbation du côté de la Présidence. La presse française s’étonne de ce manque de cohésion en interne sachant que les décisions proviennent sans équivoque de Iavoloha. Une hypothèse fort plausible sachant qu’il existe un régime à 2 vitesses entre la présidence et le gouvernement, avec, il est vrai, une omnipotence qui n’est pas l’apanage de cette seule présidence en exercice, puisque Madagascar a toujours fonctionné de la sorte. Si l’étonnement a été grand autour du vote condamnant les annexions russes, il convient de rappeler que Madagascar a un historique et même plus, une histoire autour de la position qui consiste à s’inscrire comme pays non aligné. En effet, lors de la guerre froide, Didier Ratsiraka prônait une position non partisane entre les deux blocs, soviétique et occidentale, qui aujourd’hui se répète sous Andry Rajoelina.

La Russie œuvre-t- elle en sous-main ?

Les vicissitudes malagasy interrogent. Beaucoup d’observateurs y voient l’ombre de la Russie. Dans un exercice périlleux, entre redevabilité vis-à-vis de la Russie, allié déclaré dans la restitution des îles malgaches et une position habile à tenir vis-à-vis de la France, partenaire économique historique d’une part, mais aussi véritable opposant, ne voulant rien céder concernant des 4 îles à l’origine des tensions franco-malagasy, Andry Rajoelina a peut-être tenté le pari de soutenir l’occident concernant la nouvelle résolution avant de faire un rétropédalage face à la pression du Kremlin. Dans cette hypothèse, Richard Randriamandrato a servi de fusible. Même si ce scénario prend des allures abracadabrantesques, il n’est pas à exclure totalement.