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Intellectuels de la Diaspora malagasy : Comment bâtir, développer, faire émerger Madagascar en Afrique ?

Intellectuels de la Diaspora malagasy : Comment bâtir, développer, faire émerger Madagascar en Afrique ?
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Avant d’aborder des questions plus politiques, j’aimerais entendre en toute objectivité un concentré de tout ce qui a été fait de bien par l’ensemble des Présidents malagasy depuis 1960 qui sont au nombre de 11 si nous prenons en compte les « intérims » présidentiels. 

Vous pouvez citer entre 5 et 11 actions comme socle pour l’avenir. 

Évidemment, pour commencer tout n’est pas noir non plus. Dieu, merci. Citons donc onze bonnes actions depuis 1960 : 

  1. Le retour à la souveraineté de Madagasikara reconnue internationalement avec un drapeau, un hymne et une place aux Nations Unies.
  2. L’ouverture au monde par l’appropriation de la culture française et ses lumières.
  3. La place particulière au sein de la Communauté africaine et ses différentes institutions dont l’OUA, la COMESA, le SADEC ainsi qu’auprès de l’Union européenne et de l’ONU.
  4. La continuité de la marche pour une consolidation de l’unité nationale naissante en réussissant à annihiler les soubresauts de sécession.
  5. Les prémices de la prise de conscience des valeurs républicaines même si elles restent en latence.
  6. La résistance au bulldozer de la mondialisation culturelle pour sauvegarder le frêle espace de l’identité culturelle Malagasy.
  7. L’installation progressive du multipartisme ou plutôt du multiclientélisme avec des avancées pour les libertés fondamentales garanties par la Déclaration universelle des Droits de l’homme.
  8. La diversification des relations internationales ayant permis de sortir de l’exclusivité d’un face-à-face déséquilibré et réducteur avec le Pays colonisateur.
  9. L’utopie des grands travaux unificateurs et source potentielle de développement économique : Un système d’éducation massive pour tous et partout. Un Réseau ferroviaire reliant Antsiranana à Toliara avec ses embranchements. Le Canal des Pangalanes navigable du Sud au Nord. La construction de villes nouvelles anticipant le rythme de l’accroissement démographique. Un Réseau de voies terrestres maillant tout le territoire.
  10. L’exploit de l’équipe de foot Barea avec l’éclosion d’une réelle unité nationale dans la joie et la fierté. – Juste la lumière d’un éclair, brève et sans suite.
  11. La reconnaissance progressive du poids des Malagasy en Outre-mer, autant par eux-mêmes que par les détenteurs du pouvoir au pays. – Il leur reste encore à travailler radicalement, une énergique volonté de solidarité réelle et continue.

Madagascar a choisi la démocratie comme l’ensemble des pays francophones en Afrique, hormis le Maroc ou le Swaziland notamment. Est-ce que la démocratie demeure le système le plus adapté à notre société, nos valeurs, notre histoire. Si oui, devons-nous y apporter des modifications ou des réajustements, pouvez-vous les citer et développer ? 

Entre Démocratie et Monarchie, n’y aurait-il pas d’autres régimes pour la gestion d’un Pays ?

Au regard de notre Histoire, c’est la Monarchie qui a eu cours à Madagasikara pendant bien des siècles, auparavant, jusqu’à la dernière Reine, Ranavolana III, détrônée par l’administration coloniale et morte de languissement en exil. Un sort qui est particulièrement injuste, au regard de celui du Roi du Maroc, également détrôné par l’administration coloniale mais préservé avec toute sa famille et remis sur le trône.

De ces temps, des Monarques, bien de Roitelets assuraient la gouvernance de leur population respective jusqu’à l’unification du pays. Même actuellement d’ailleurs, il en reste des séquelles avec la survivance des différents Tangalamena et autres Ampanjaka.

Puis vint la mode des Démocraties. Adoptée par les Malagasy ? Imposée aux Malagasy ? Tolérée pour faire comme tout le monde. Et, toujours pour faire comme tout le monde, il y eut des élections de ceci et des élections de cela. Et surtout d’un Président de la République.

Un Président est vite assimilé à un Roi, donc qui s’assimile à un Monarque.  Répondant bien à notre société, à nos valeurs, à notre histoire. Au grand dam des constitutionnalistes à cheval sur les normes et les lois.

La réalité nous apprend qu’en fait, c’est un système ambivalent qui prévaut : Le Monarque démocrate. Et nous avons eu l’occasion de mentionner ceci au cours de notre échange.

Madagascar présente le lourd tribut de contenir un taux d’alphabétisme à hauteur de 30 % parmi les adultes et 22 % parmi les enfants. Au début des années 2000, les objectifs du Millénaire pour le développement prévoyaient une baisse de 27,4 % pour l’année 2015 ce que Madagascar n’a pas atteint sans grande surprise, repoussant l’échéance à 2030. Comment pouvons-nous proposer une campagne présidentielle 2023 différentes de ses précédentes avec ce paramètre qui manifestement empêche d’élire un Président sur un programme et non plus s’en tenir à des personnalités ? 

À question simple, réponse simple : 

L’éducation citoyenne des Malagasy actuellement autorise-t-elle à penser qu’une élection au suffrage universel d’un Président prévue par la Constitution est valable ? 

En mon âme et conscience, je réponds : Non. Aucune légitimité, mais une mascarade de légalité.

Et alors ? – Commençons par le commencement : Confectionnons nous-mêmes et ensemble une Constitution adaptée à un nouvel État.

La décentralisation du pouvoir est inscrite dans la constitution de la IV ème République à l’article 139 « Les collectivités territoriales décentralisées, dotées de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière, constituent le cadre institutionnel de la participation effective des citoyens à la gestion des affaires publiques et garantissent l’expression de leurs diversités et de leurs spécificités ». Premièrement, disposons-nous suffisamment de femmes et d’homme intègres, diligents et compétents pour exercer cette décentralisation en occupant ces postes décentralisés notamment ? Secondement, dans quelle mesure un chef de région ou un gouverneur aujourd’hui peut participer distinctement au développement ? 

En un mot, je réponds également : Non.

D’ailleurs, la nomination des Gouverneurs désignés au poste prévu constitutionnellement de Chefs de Région élus en est la démonstration. Même le Président actuel en procédant ainsi à la nomination de Gouverneurs transgresse doublement aux dispositions fondamentales de la Constitution à laquelle il ne croit pas.

Et alors ? Commençons par le commencement : Confectionnons une Constitution adaptée. Poursuivons l’œuvre déjà entamée dans les faits par les tenants du pouvoir actuels.

Les partis politiques sont organisés et tributaires d’un seul homme, les présidentielles » donnent lieu à pléthore de candidatures, comment sortir de cette « homocratie », ou de « l’hommisme » autrement dit sortir tout simplement de cette personnification du pouvoir ? 

Quatre propositions pour s’en sortir:

  1. Abandonner l’élection d’un Président de la République au suffrage universel direct en faisant le choix d’un régime parlementaire selon la piste évoquée aux points précédents.
  2. Inscrire sur le marbre d’une Constitution pour un nouvel État la nécessité des Partis politiques dotés de doctrine, de militants, de moyens financiers et d’un projet de société.
  3. Conditionner toute candidature pour un poste parlementaire par sa présentation au nom d’un Parti politique et l’engagement à le soutenir de la part d’un nombre à définir d’élus résidant dans sa Circonscription électorale. 
  4. Exiger de toute candidature sa présentation par son Parti politique avec la production d’un Programme de gouvernement.

Autrement dit, limiter les élections au suffrage universel aux deux premiers niveaux de la décentralisation, Fokontany et Communes, et procéder aux élections par les grands électeurs pour les deux niveaux du District et de la Région.

A ce jour, nous savons que la corruption est un fléau qui gangrène Madagascar depuis l’avènement de la première République. Contrairement aux idées reçues, elle touche tous les pans de la société et à toutes les strates. Pour ces raisons, que ce soit le Président en exercice et à venir, il ne pourra résoudre en un quinquennat un système structurel. Tout observateur de la vie politique en a conscience, comment en sortir et quel travail devons-nous mener ? Quels conseils en tant qu’analyste de la vie politique malagasy, vous donnerez ? 

La corruption gangrène le monde. Elle provient d’une financiarisation excessive des relations. Laquelle financiarisation l’entretient et l’amplifie à son tour en un cercle vicieux bien huilé et difficile à combattre. Avec le paroxysme d’un système en perpétuel mouvement, libéré du temps – tout se fait instantanément –  et échappant de plus en plus à l’intervention humaine.

Madagascar a une chance, une divine bénédiction, celle d’être une île et à nous les malagasy d’en tirer profit pour nous mettre à l’abri. 

Pour cela, je suggère 6 propositions radicales :

  1. Supprimer les multiples entités distinctes actuelles ayant pour mission de combattre la corruption, directement ou indirectement (Bianco, Samifin, Csi, Cfm, Ceni,…). La multiplicité crée la confusion, la dilution des responsabilités, la dépendance, l’allongement des délais de traitement, la multiplication des voies échappatoires, le coût aussi bien en moyens financiers qu’en moyens humains et matériels et, en dernière analyse, l’efficacité.
  2. Mettre en place une Institution appelée à traiter tout acte de corruption ou susceptible de corruption de son signalement à la condamnation de l’acteur. Institution vraiment indépendante et dotée en moyens humains, financiers, matériels et juridiques adéquats. Moyens au niveau du volume estimé du montant des actes de corruption déjà identifiés (bois de rose, or, pierres précieuses, privatisations de services ou sociétés étatiques,…).
  3. Faire une distinction de traitement entre les actes de corruption à prendre en compte selon le montant à un seuil à définir, un million de dollars, par exemple. Tenir compte de ce seuil et réserver au sein de l’Institution deux chaines de traitement différenciées. 
  4. Concevoir un appareil juridique plus adapté pour qualifier et juger les actes de corruption en les assimilant à partir du montant d’un million de dollars à des crimes hors du champ d’application de toute immunité et de toute prescription.
  5. Donner une place importante à l’éducation sur la citoyenneté englobant la lutte contre la corruption et en faire une affaire de tous.
  6. Engager une coopération internationale codifiée pour identifier et juger les actes de corruption commis par des acteurs en exil sur tout territoire, sans exception et en tout temps, sans prescription.
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A propos de l'auteur

Gregory SILENY

CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l'analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l'Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com

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