Crise politique au Mali : entre désillusions souverainistes, autoritarisme croissant et la chute de Choguel Maïga
Depuis plusieurs mois, Choguel Maïga, Premier ministre de la transition malienne depuis juin 2021, faisait l’objet de vives contestations internes. Devenu persona non grata, ses déclarations critiques envers la présidence, dénonçant son éviction du processus décisionnel et l’absence flagrante de visibilité sur les prochaines élections après le dernier report décidé par la junte, ont indéniablement précipité sa chute le 20 novembre dernier.
Si Choguel Maïga représentait une forme de légitimité pour la junte en incarnant un protagoniste éminent issu de la classe politique malienne et du mouvement M5-RFP, sa destitution marque un tournant. La transition semble désormais plus que jamais dominée par une omniprésence militaire aux postes stratégiques. Déjà fortement influencé par des figures comme les ministres Sadio Camara et Ismaël Wagué, le gouvernement voit s’éloigner l’équilibre fragile qu’incarnait Choguel Maïga. Celui-ci, convaincu de pouvoir jouer un rôle clé dans le nouveau paradigme promis par le régime de transition, déplorait la tournure des événements. Formé en Russie, il défendait une vision « nouvelle », où les États du Sahel pourraient émerger grâce à des alliances géopolitiques repensées. Ces espoirs sont désormais définitivement écartés, avec la nomination d’Abdoulaye Maïga comme nouveau Premier ministre. Celui-ci avait déjà remplacé Choguel Maïga pendant ses trois mois d’absence pour raisons de santé.
Cette nouvelle situation inquiète la communauté internationale et les observateurs de la scène politique malienne. Elle met en lumière une réalité préoccupante pour la population : une pauvreté croissante et une guerre qui échappe toujours au contrôle du président en exercice, Assimi Goïta. En début d’année, le ministère du Développement social avait estimé à 701 millions de dollars le besoin d’aide pour soutenir une population vulnérable de 7,1 millions de personnes, soit près d’un tiers des Maliens. En 2023, le Mali n’avait obtenu que 23 % de ce financement.
un coup politique tenté par Choguel Maïga
Si plusieurs observateurs voyaient dans la cohabitation entre le gouvernement de Choguel Maïga et la junte d’Assimi Goïta une tension latente, il semble que l’ex-Premier ministre ait constaté de l’intérieur l’enlisement de la présidence malienne. Ses critiques acerbes, notamment le 16 novembre lors de la commémoration de la prise de Kidal, laissaient transparaître une vision alternative pour la transition malienne. Cette position, d’abord défendue au sein du M5-RFP, s’est cependant progressivement effritée. Sans perspectives politiques claires, dans un contexte marqué par l’autarcie, la rupture avec la CEDEAO et l’absence d’aide internationale, Choguel Maïga se retrouvait isolé, malgré son expérience et sa lucidité face aux risques.
Jusqu’ici, Assimi Goïta avait maintenu l’illusion d’un souverainisme capable de résoudre les maux du Mali, notamment sur le plan sécuritaire. Mais, comme tout régime militaire, la désillusion semble gagner du terrain. Cette situation favorise un durcissement et un autoritarisme croissants dans la politique menée par la junte, exacerbant une crise déjà profonde.