La pauvreté : un frein pour le développement
Par Lalaina RASOLONIRINA
L’égalité des sexes est plus qu’un objectif en soi. C’est une condition préalable pour relever le défi de la réduction de la pauvreté, de la promotion du développement durable et de la bonne gouvernance
Kofi Annan – Diplomate Ghanéen, ancien Secrétaire Général de l’ONU (1997-2006).
Cette citation relative au développement comporte trois grands axes : Égalité – Développement Durable – Défi. Ces grands axes parmi lesquels le Groupe de la Banque mondiale s’est aussi posé pour atteindre son double objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée. Il s’agit dès lors, concernant les 145 pays clients-partenaires, de rendre cette mission opérationnelle, d’assainir le secteur de la justice, et pour chacun d’entre eux, d’être mobilisé dans les choix des politiques publiques à mener.
Si les problèmes judiciaires ou ceux liés à la justice sont souvent les reflets de mauvaises politiques publiques, l’inadaptation des cadres légaux et règlementaires, en somme des services publics mal desservis, alors la corrélation entre la pauvreté et le domaine de la justice s’avère établie.
L’égalité des sexes
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, à en croire que la pauvreté constitue le frein principal du développement déployé dans tous ses sens. Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) a récemment publié que près de la moitié de la population mondiale, soit 2,8 milliards de personnes, vivent avec moins de 2 dollars par jour ; 448 millions d’enfants souffrent d’insuffisance pondérale ; 876 millions d’adultes sont analphabètes, dont deux-tiers sont des femmes ; plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à de l’eau salubre, alors que 20% de la population mondiale détient 90% des richesses. Les réalisations de ces études à travers des statistiques ont été menées sur les revenus des personnes et des ménages, sur l’accès au travail, au logement, aux systèmes de soin et éducatif ainsi que la formation pour adulte. Pour autant, il n’y a pas d’examen des données permettant de mesurer le nombre de personnes ou de ménages qui cumulent les difficultés (pas de travail, pas d’argent, pas de logement, pas d’accès au soin, pas de scolarité, etc…), et ce depuis combien de temps. Pourtant, les personnes et les familles les plus pauvres sont dans cette situation de cumul des difficultés dans la durée, en situation de pauvreté chronique.
Alors que le principe d’égalité repose sur l’interdiction de toute forme de distinction entre les individus, et sur le plan juridique, les discriminations sont condamnables lorsqu’elles relèvent de critères illégitimes prohibés par la loi. En France, par exemple, l’égalité des sexes est le principe selon lequel les femmes et les hommes devraient recevoir un traitement égal et ne devraient pas être victimes de discriminations basées sur leur appartenance à l’un ou l’autre genre. À cet effet, une loi a été adoptée et promulguée. (Loi n°2014-873 du 4/08/14 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes)
Il est vrai que Madagascar a signé et ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs à la protection des droits humains, et également ceux promouvant spécifiquement l’égalité femme-homme. La non-discrimination fondée sur le sexe est inscrite dans la Constitution. Il manquerait jusqu’alors de transformer l’essai en légiférant réellement sur l’égalité entre hommes et femmes à travers un texte de loi spécifique.
Les pays ayant plus d’égalité des sexes ont une meilleure croissance économique. Les entreprises avec plus de femmes leaders se comportent mieux. Les accords de paix qui incluent les femmes sont plus durables. Les parlements avec plus de femmes adoptent davantage de législation sur des questions sociales clés telles que la santé, l’éducation, la lutte contre la discrimination et la pension alimentaire pour enfants. La preuve est claire : l’égalité pour les femmes signifie le progrès pour tous
Ban Ki-Moon – Diplomate Sud-Coréen, ancien Secrétaire Général de l’ONU (2007-2016)
Promouvoir le développement Durable
Selon le rapport 2018 de la Banque Mondiale sur la pauvreté et la prospérité partagée, le seuil international de pauvreté est fixé à 1,90 dollar par personne et par jour, sur la base des taux de conversion 2011 en parité de pouvoir d’achat. Mais la pauvreté dans le monde ne cesse d’accroître depuis plusieurs décennies, et cela sans même que l’on évoque des conflits ou de catastrophes naturelles dues au changement climatique, qui surviennent un peu partout, et touchant l’environnement, l’économie ainsi que la santé. Toujours d’après ce rapport, en 2018, quatre personnes sur cinq sous le seuil international de pauvreté vivent en milieu rural. La moitié des pauvres sont des enfants. Les femmes représentent la majorité des pauvres dans la plupart des régions du monde et dans certaines tranches d’âge. Environ 70% des pauvres âgés de 15 ans et plus n’ont jamais fréquenté l’école ou n’ont reçu qu’une éducation de base. Près de la moitié des pauvres en Afrique subsaharienne sont concentrés dans cinq pays seulement : Nigéria, République Démocratique du Congo, Tanzanie, Ethiopie et Madagascar. Plus de 40% des pauvres dans le monde vivent dans des pays en situation de fragilité, de conflit ou de violence, et ce pourcentage pourrait atteindre 67% dans les dix prochaines années, alors que ces pays n’abritent que 10% à peine de la population mondiale.
Aujourd’hui, la conjonction de la pandémie de Covid-19, des conflits et du changement climatique risque de précipiter de nouveau dans l’extrême pauvreté un grand nombre de personnes en situation précaire. Les estimations pour 2020 tenant compte des effets de la pandémie parlent qu’entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires seraient concernées, ce qui porterait le nombre total de personnes vivant dans l’extrême pauvreté à 703-729 millions.
Des études universitaires affirment depuis longtemps que la vitalité de la démocratie dépend d’une classe moyenne active et intéressée, également éduquée, qui a l’occasion d’exprimer ses priorités et ses préférences, grâce à la démocratie, et s’avère être protégée du pillage arbitraire de ses biens. Lorsque la faim et l’insécurité alimentaire, l’analphabétisme, la privation de logement ou la maladie perdurent, les plus démunis ont des difficultés à se faire entendre et s’organiser à produire des groupes sociaux efficaces constituant la base sociale garante de la réussite d’une démocratie.
La démocratie ne peut pas être exportée vers un autre endroit. Cela doit être un produit du développement interne dans une société
Vladimir Poutine
Le Défi : réduire la pauvreté
Le constat pour les institutions financières internationales de reconnaître que les politiques d’ajustement structurel se sont soldées par un échec en termes de développement durable et équitable est alarmant. Toutefois, l’approche qui tend à promouvoir la participation des populations dans l’élaboration des politiques publiques, dans le but d’améliorer l’appropriation des dispositifs de l’aide, ne saurait à elle seule résoudre les problèmes de pauvreté. La responsabilisation de l’État dans la définition des politiques de développement en constitue un pilier, car l’octroi des fonds de l’initiative pays pauvre très endetté (PPTE) dépend des performances en termes de stabilisation, de privation et de libéralisation.
Dans la foulée des statistiques prévisionnelles du Groupe de la Banque mondiale, et dans un scénario de statu quo, l’Afrique deviendrait progressivement le continent concentrant le plus de pauvres au monde jusqu’à atteindre 90% de la part des populations vivant dans l’extrême pauvreté en 2030.
Les États fragiles et touchés par des conflits ont des taux de pauvreté nettement plus élevés, tandis que les carences de santé, d’instruction et de compétences et les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes sont des freins supplémentaires à la réduction de la pauvreté.
Un dictateur n’a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi
François Mitterrand
Dès lors, il adviendra de déployer les moyens de lutte contre la pauvreté telles renforcer les mesures sur l’emploi, le travail et la formation professionnelle, l’accès aux droits et les minima sociaux, les familles et l’enfance, le logement, la santé et l’accès aux soins comme il suffira de se faire vacciner contre la Covid-19 pour ne plus avoir à la contracter.
À Madagascar, il est connu que les récoltes sont chaque année menacées par les inondations, les cyclones ou la sécheresse. Ces fléaux contribuent depuis fort longtemps à l’accroissement de cette pauvreté extrême qui sévit dans le pays. Des pistes sont à explorer en tenant compte des trois axes cités ci-dessus, ne serait-il pas le temps cette fois-ci d’inverser la tendance en se dirigeant complètement vers le désir de changement au détriment d’une perpétuelle continuité ?
Surmonter les inégalités et la marginalisation : de fait, il est apparu que les inégalités entravent le bon fonctionnement de la démocratie, notamment émergente, en raison de la persistance d’un « classement » implicite des différents groupes sociaux et de différences dans la distribution des ressources Étatiques et des biens publics au profit des groupes favorisés. De même, les groupes marginalisés, y compris les femmes, sont nettement désavantagés en termes de mobilité sociale.
Encourager la responsabilité sociale : les déficits de développement et la persistance de la pauvreté tendent également à inciter les élites qui ont des ambitions politiques à considérer l’État comme un moyen d’enrichissement personnel ou du groupe auxquels elles appartiennent. Car dans les sociétés où l’État et son appareil sont considérés comme les principales sources de richesse et de prospérité, les enjeux liés à la victoire ou à la défaite électorale présentent souvent un rapport direct avec une opportunité économique individuelle ou collective et la possibilité d’utiliser le pouvoir de l’État pour s’emparer de biens sur lesquels il est « permis » de faire main basse tels que les redevances sur les exportations de ressources naturelles.
La question de la pauvreté doit être prise en compte dans le cadre d’objectifs de croissance nationaux, car promouvoir la participation de l’ensemble des groupes sociaux à un exercice de planification doit permettre d’atteindre le plus de cohésion autour des objectifs nationaux. La réalisation de programmes sectoriels n’est alors pas compromise par l’affrontement d’intérêts catégoriels.
L’actuel Secrétaire général de l’ONU, Antonio GUTERRES, a rappelé à juste titre que : « l’élimination de la pauvreté n’est pas une affaire de charité mais une question de justice ».