
Entreprises françaises en Afrique : sortir de l’hésitation, entrer dans l’action

Issu du forum organisé par le CIAN et L’Opinion : la 15ᵉ édition du Forum Investir en Afrique, un événement qui se positionne comme un véritable carrefour d’échanges et d’opportunités pour les acteurs économiques, politiques et sociaux.
L’Afrique est jeune. L’Afrique est multiple. Et surtout, l’Afrique est en marche. Pendant que certains se demandent encore s’il faut y aller, d’autres y sont déjà, y investissent massivement, et y bâtissent leurs futurs relais de croissance. C’est en substance ce qu’ont martelé, parfois avec une forme d’urgence, les intervenants de ce 15e Forum Investir en Afrique : « Ne pas aller en Afrique, c’est laisser la place. Partir d’Afrique, c’est se faire oublier. »
Alors que l’Europe se regarde vieillir dans ses statistiques, l’Afrique se projette avec une énergie débordante : deux milliards et demi d’habitants à l’horizon 2050, des métropoles dynamiques, une jeunesse connectée, éduquée, inventive. Et pourtant, le récit européen continue trop souvent de résumer l’Afrique à ses risques, à ses réglementations floues, à ses incertitudes. Le Forum a renversé ce prisme.
Sortir de l’arrogance et du pilotage à distance
Le diagnostic est clair : les entreprises françaises souffrent moins d’un manque d’opportunités que d’une posture encore trop frileuse. Le tort de certains n’est pas d’avoir échoué en Afrique, mais de n’avoir même pas essayé. Ou alors, de l’avoir fait sans ancrage, à distance, avec des modèles importés, mal ajustés, mal compris. L’Afrique ne se pilote pas à Paris. Elle se vit à Dakar, à Abidjan, à Nairobi, à Antananarivo. Elle demande du temps, du lien et du respect.
Les success stories françaises sur le continent partagent toutes des traits communs : une présence locale réelle, des partenaires africains actifs et non de simples relais commerciaux, et surtout une volonté de co-construire des solutions adaptées. Il ne s’agit pas d’y exporter des savoir-faire clef en main, mais d’y composer des trajectoires industrielles hybrides, africano-européennes.
Un continent pluriel, pas un marché unique
Autre leçon martelée par les participants : l’Afrique est diverse. Il n’existe pas une Afrique, mais des Afriques. Du Maghreb à l’Afrique australe, du Golfe de Guinée aux Grands Lacs, les dynamiques économiques, culturelles, juridiques sont contrastées. Ce qui fonctionne au Sénégal ne s’impose pas au Kenya. L’approche doit donc être fine, différenciée, humble.
Ceux qui réussissent sont ceux qui prennent le temps de comprendre les imaginaires collectifs, les besoins locaux, les contextes institutionnels. Comme le rappelait un intervenant, “en Afrique, l’entreprise n’est pas extérieure à la société. Elle en est une composante intime.” Cela suppose de penser impact autant que retour sur investissement, d’inscrire l’action dans une logique de transformation partagée.
Réglementation européenne : un boomerang stratégique
Mais il serait malhonnête de rejeter toute la faute sur les entrepreneurs. Un consensus a émergé sur un obstacle majeur : les surcouches réglementaires imposées depuis Bruxelles. Le devoir de vigilance, la CSRD, les rapports extra-financiers… Pour des PME françaises, cela signifie des millions d’euros de reporting, des indicateurs parfois déconnectés du terrain africain, et une surcharge qui rend la prise de risque impossible.
Pendant que l’Europe s’impose des normes d’une complexité ubuesque, la Chine, la Turquie ou l’Inde avancent à pas sûrs sur le terrain. Résultat : les Français regardent le train passer, pendant que d’autres montent dedans — sans se soucier de la conformité CSRD de leurs locomotives.
Un appel à agir, maintenant
Le message du forum est limpide : le moment est venu d’agir, ensemble. Le potentiel est là, les besoins sont immenses, et l’écosystème français (Proparco, AFD, chambres de commerce, entreprises) est structuré. Ce qui manque ? La volonté politique de simplifier le cadre, et le courage entrepreneurial d’y aller pleinement.
L’Afrique n’est pas l’avenir de la France par défaut. Elle l’est par évidence stratégique. Pas en tant que terrain d’exportation ou de “développement”, mais comme espace de partenariats d’égal à égal, avec des jeunesses ambitieuses, des économies qui s’industrialisent, et une culture de la résilience que l’Europe ferait bien d’écouter.
“Si vous n’y allez pas, d’autres iront et gagneront de l’argent.” Cette phrase, lancée sans détour par un chef d’entreprise lors du forum, résonne comme un avertissement et un appel.
Allons-y. Maintenant. Pas demain.