
Recomposition géopolitique global : l’Afrique, entre espoirs et oubli

Lors du Forum Afrique CIAN 2025 : l’entreprise, moteur d’une croissance durable organisé par CIAN et l’Opinion, une conférence dédiée aux relations internationales et aux enjeux du partenariat avec l’Afrique, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français et président de la Fondation Prospective et Innovation, a livré une analyse lucide d’un monde en transition où les rapports de force supplantent les règles de droit. Au cœur de cette recomposition géopolitique : l’Afrique, entre espoirs et oubli.
Un monde dominé par la force
Le constat dressé par Jean-Pierre Raffarin est sans appel : « Là où nous espérions que le droit triompherait, c’est désormais la force qui dicte les rapports internationaux. » Selon lui, les institutions multilatérales issues de l’après-guerre – ONU, OMC, OMS – sont aujourd’hui paralysées, incapables de produire des normes contraignantes et d’agir efficacement.
La montée des tensions sino-américaines façonne désormais l’architecture globale. Washington et Pékin s’affrontent à travers des alliances économiques et géopolitiques. Les BRICS, renforcés par l’entrée récente de pays comme l’Égypte ou l’Iran, apparaissent comme un contrepoids au G7. Ce clivage structurant, amplifié par les guerres périphériques – en Ukraine notamment – affaiblit l’Europe et brouille ses stratégies.
L’Europe à la croisée des chemins
Dans ce contexte fragmenté, Raffarin estime que l’Europe n’aura d’avenir qu’à travers un leadership fort, incarné par une alliance renouvelée entre la France et l’Allemagne. « Si l’Europe veut compter, elle doit être une force continentale crédible. » Face aux défis énergétiques, sécuritaires et industriels, cette coopération pourrait redevenir le moteur d’une action commune, notamment vis-à-vis de l’Afrique.
Le paradoxe africain : continent d’avenir, risque d’oubli
Alors que tous s’accordent à voir en l’Afrique un continent d’avenir – jeune, riche en ressources naturelles et énergétiques – Raffarin alerte sur le risque d’un désengagement progressif. « Le Sud global ne peut pas être relégué à la périphérie des priorités internationales. »
Le désintérêt relatif des grandes puissances, focalisées sur leurs rivalités stratégiques, expose l’Afrique à l’oubli, alors même que son avenir est étroitement lié à celui de l’Europe. « Il ne peut y avoir d’Europe prospère avec une Afrique en souffrance. Nos destins sont liés. »
Radicalisation et violence : les menaces systémiques
Au-delà des tensions géopolitiques, Jean-Pierre Raffarin insiste sur la menace de la radicalisation : « La violence et la guerre sont sœurs jumelles. Lorsque la radicalité s’enracine, la guerre devient une option acceptable. » En Afrique, cette radicalisation s’exprime à travers le terrorisme, les ingérences étrangères, et des conflits internes qui affaiblissent la stabilité des États.
Plaidoyer pour les alliances structurantes
Pour Raffarin, l’avenir passe par des alliances multilatérales repensées. Il plaide pour un partenariat franco-allemand en Afrique, ainsi que pour des coopérations triangulaires incluant l’Asie – notamment la Chine, malgré les tensions – et des pays comme le Portugal. L’idée : construire ensemble des programmes d’infrastructure, d’innovation et de développement, portés par des logiques tripartites.
« La Chine ne peut réussir en Afrique sans aimer davantage les Africains », souligne-t-il, appelant à des relations apaisées, ancrées dans le respect et la connaissance mutuelle.
Le rôle clé de l’entreprise et de la société civile
Enfin, Raffarin met en avant le rôle fondamental des entreprises et de la société civile comme leviers du développement. Loin des seuls dispositifs institutionnels, ce sont souvent les entrepreneurs qui portent l’espoir, qui investissent et qui bâtissent des ponts entre les peuples. « Dans un monde où les structures politiques s’affaiblissent, les sociétés civiles deviennent les dépositaires des valeurs et de la résilience. »
À l’issue de son intervention, Jean-Pierre Raffarin a lancé un appel à la mobilisation :
L’urgence africaine n’est pas une option, c’est une nécessité stratégique.
L’Afrique est un partenaire, pas une périphérie.
À nous de bâtir un avenir commun.