Quels sont les enjeux politiques de l’année 2020 ?
Ça va faire bientôt une année que Andry Rajoelina a été investi. Un anniversaire qu’il fêtera le 18 janvier prochain. Pour cette occasion, nous souhaitons émettre quelques pistes de réflexions tout en essayant de décrypter la méthode et la forme que le président de la république a souhaité donner à sa gouvernance durant cette première année. On peut dire d’emblée, que le plus jeune de tous les présidents que Madagascar n’ait jamais connu, est de plus en plus à l’aise dans l’exercice du pouvoir. L’arrivée de Naina Andriantsitohaina à la Mairie d’Antananarivo constitue également un allié de taille, favorable à sa mandature. Désormais la capitale est le centre névralgique d’un pouvoir fort. On pourra y voir dans les années à venir l’expression de sa volonté politique, associée à son style de gouvernance. Il doit prier sans cesse de ne pas tomber dans la tentation d’un pouvoir sans partage.
La singularité « Rajoelinienne«
Le jeune président est quelqu’un qui veut marquer son passage au pouvoir, c’est un fait nouveau dans l’histoire politique malgache. Pour la première fois à Madagascar, la notion de mission est portée par le président lui-même, une bonne chose pour l’exemplarité et le changement des mentalités des Malagasy. Il a su montrer dans sa première année une dimension de la promotion de la bonne gouvernance. Les ministres et les responsables qui se trouvaient dans l’incapacité d’apporter des solutions aux problèmes que font face les Malagasy ont été limogés. On était tenté de penser que ses « Velirano » lors de sa campagne électorale n’étaient qu’un discours et une rhétorique classiques sans lendemain, communs aux précédentes élections présidentielles. Mais force est de constater que les choses bougent à Madagascar, les espoirs de voir la réalisation – l’émergence- de ses grands projets phares et pharaoniques ne sont pas vains. On entend dans sa politique économique l’indispensable transformation structurelle du pays. Madagascar est un pays en transition, ayant la volonté de sortir de sa pauvreté, la croissance économique doit se maintenir pour les années à venir. Cependant, les inégalités vont subsister en se fiant aux prévisions de la Banque mondiale. C’est l’une des équations qu’il doit résoudre et il doit faire preuve de créativité et de sagesse pour y arriver. Comment va t-il véhiculer les idées nouvelles et transformatrices dont le pays a fortement besoin ? Comment va t-il mettre en œuvre des idées originales et les adapter au contexte socio-culturel du pays ? Le projet Tanamasoandro est un parfait exemple de la dualité cornélienne Malagasy à laquelle il doit faire face : l’urbanisation de la ville versus les croyances culturelles fortement ancrées dans la société Malagasy. Comment contribuer à l’émergence du pays avec tout le paradoxe et l’énigme Malagasy1 ?
Et ce n’est pas tout, s’ajoutant à la complexité de sa mission, il devrait aussi gérer la dictature des urgences : la question impérative de l’insécurité, l’urgence climatique, l’impératif du développement qui renvoie sur le long terme, la mise en place des structures pérennes, etc… Autant d’attentes, nécessitant toutes des réponses situées dans une temporalité immédiate et pouvant causer beaucoup de frustrations et d’indignations. Car en effet, l’urgence pousse à l’erreur comme celui d’aller inaugurer une chaine de restauration rapide, heureusement les images bling-bling ont été rapidement rectifiées par des apparitions du couple présidentiel au milieu des plus démunis, comme dans des hôpitaux, ou à la messe à Akamasoa ou dans des moments plus solennels en récompensant l’excellence Malagasy. Malgré la fragile majorité présidentielle, Andry Rajoelina devrait marcher sur les œufs pour éviter les tempêtes politiques qui pourraient advenir à tout moment et fragiliser la toute jeune démocratie Malgache.
La nécessite d’une même vision politique endogène
La forte tension politique à la fin de l’année 2019 devrait pousser Andry Rajoelina à trouver une autre manière d’engager le dialogue avec les forces de l’opposition qui prennent forme. On pourrait s’attendre à cela puisque la majorité silencieuse constituée par des abstentionnistes lors des récentes élections peuvent être récupérés par les forces opposantes. Mais il faut dire qu’il est regrettable de voir deux anciens présidents Malgaches appeler à la manifestation pour favoriser une instabilité politique. Il est important de mettre un socle fort nécessaire à l’exercice démocratique à Madagascar. Les dirigeants doivent être les premiers garants de la démocratie et de la paix sociale. Il est impératif de revoir le débat politique Malagasy dans le champ de la construction du pays. Dans le passé, nos politiques ont toujours fait l’erreur d’entraîner le peuple dans la spirale des crises politiques cycliques. Cela a engendré une pauvreté sur le plan social et politique qui se traduit par la désolidarisation du peuple aux politiques. Pourquoi descendre dans la rue ? Versus Descendre dans la rue pour qui ?
Ce dont souffre Madagascar aujourd’hui, c’est d’avoir une vision endogène partagée entre les différents appareils politiques. Avoir une volonté de destiné commune est indispensable, pour l’émergence et la reconstruction du pays. En l’absence d’unité nationale, il est difficile d’avoir cette vision endogène commune et voir la croissance économique espérée pour le pays. Nous retrouvons là le cœur de la responsabilité d’un président, d’ailleurs il peut être soutenu dans ce rôle par les rois et/ou chefs des tribus des 18 ethnies du pays : ensemble, ils sont les garants de l’unité nationale, ensemble ils peuvent œuvrer pour restaurer la dignité nationale et ensemble ils peuvent être les tracteurs pour retrouver la fierté nationale. Il est fort tentant de prêter une phrase du discours de la Reine Elisabeth II à son peuple pour la nouvelle année, tant elle épouse parfaitement bien au contexte Malagasy : « L’on peut accomplir des choses positives quand les gens mettent de côté leurs différences passées et se rassemblent dans un esprit d’amitié et de réconciliation ». Voilà les défis d’Andry Rajoelina, mais aussi des hommes et femmes politiques de bonne volonté, et de tous les Malagasy.
Fabien Gaston RAZAKANDRAINIBE, Editorialiste.
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