RASOHERINA, un nom inspirant
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Un nom, une inspiration
Les noms des Malgaches sont reconnus être des noms compliqués et à rallonge, quand on prononce Andriantsimitoviaminandriandehibe, seuls les malgaches connaissent toute la finesse et la signification de ce nom. Les étrangers se désespèrent vite à la vue de la longueur du nom ainsi qu’à sa prononciation, les tentant souvent de raccourcir, mais de telles tentatives ne doivent jamais être acceptées, un nom tronqué perd toute sa signification, sa subsistance et toute sa sacralité. Le nom malgache est une histoire, un héritage sublime, riche en espérances. L’arrivée du code civil Français pendant la colonisation entrainait la perte de la diversité et la richesse de notre culture d’octroi de nom à un enfant. Car la tradition initiale voulait que le nom change, dans une fratrie de sept enfants, les sept enfants avaient des noms différents.
Vous est-il déjà arrivé de vous demander pourquoi les rois et les reines choisissent un nom d’accession au trône ? Quelles sont les significations de leurs noms ? et pourquoi en particulier ce nom ? Le nom de Rasoherina nous interpelle, car elle fait figure de rupture, d’innovation en son temps. Avec son nom, nous pouvons évoquer sa volonté d’inspirer la rupture, d’incarner la transformation, le changement et penser à l’éternité.
Inspirer la rupture
Rabodozanakandriana ou Rabodo devint Reine de Madagascar le 13 mai 1863. Le nom de règne qu’elle choisit est Rasoherina. Elle devait avoir 49 ans à cette époque. En 4 ans, elle transforma le paysage de la capitale. Antananarivo se modernisa, le nouveau style des maisons de la ville des milles adoptèrent l’architecture victorienne. Cette urbanisation naissante d’Antananarivo, à cette époque est ce que nous pourrons appeler aujourd’hui une innovation de rupture. En choisissant comme nom de règne Rasoherina, lors de son accession au trône, elle exprima une réelle volonté d’inspirer et de transformer le pays.
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Incarner la transformation et le changement
Le nom Rasoherina évoque une métaphore, ancrée dans la culture Malagasy. « Soherina » c’est la chenille qui poursuit sa transformation profonde, à l’intérieur du cocon. Il faut dire que le corps de cette chenille doit se désagréger afin d’achever sa transformation vers l’état papillon. L’effondrement de la structure de la chenille est essentiel pour l’apparition du nouveau papillon. Ce qui se passe à l’intérieur du corps de la chenille est une bataille entre les cellules immunitaires et les cellules imaginales qui vont assurer la transformation. Le système immunitaire réticent à tout changement, va par tous les moyens empêcher la transformation, tout va être mise en œuvre pour attaquer et détruire les cellules imaginales. Mais les cellules imaginales activées à cette période devraient quant à elles se grouper, se structurer jusqu’à devenir plus nombreuses pour enfin favoriser l’émergence du papillon, et la métamorphose finira par arriver, l’apparition et l’envol du papillon. Rasoherina évoque donc une transformation, en accédant au trône, elle envoie un message fort de changement, de transformation dont le pays a besoin, l’avènement de quelque chose de complètement nouveau, comme le papillon, plus aérien que terrestre.
Penser l’éternité
Rasoherina fait penser également au Lamba. Le Lamba Malagasy est fabriqué avec la soie produite par ces chenilles en transformation, Cette idée de transformation est donc rappelée à chaque fois que le malgache porte un Lamba en soie. Cette idée tend aujourd’hui à disparaître tant que notre relation avec la nature se désagrège par l’avènement de la technique et du matérialisme. Le Malagasy porte du lamba en de nombreuses occasions pour lui rappeler que rien n’est constant, tout se transforme tout au long de sa vie. La culture et la philosophie Malagasy sont empreintes de spiritualité. Cette philosophie autour du Lamba trouve son expression ultime lors de la fin de la vie, à Madagasacar, les morts sont tous enveloppés dans un linceul en soie, le mort est considéré dès lors comme une chenille, dans un cocon, pour rappeler au vivant que la mort n’est qu’une étape vers transformation du corps, lors d’un dernier voyage dans l’au-delà, en Razana, et devenir Dieu.
L’éternité.