Madagascar : les limites de la croissance
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Indéniablement, La Grande Ile a des grandes ambitions en matière de développement économique et social. Mais, il est une autre certitude qu’il faut rappeler : la croissance nécessaire et tant attendue pour faire barrage à la précarité sociale généralisée depuis ces 60 dernières années est limitée par plusieurs facteurs aussi bien endogènes qu’exogènes. D’une manière énigmatique1, Madagascar est le seul pays qui s’appauvrit depuis soixante ans sans avoir connu la guerre. Les origines du déclin économique Malagasy sont bien connues et ne sont point des mystères. La responsabilité des politiques et des Malagasy eux-mêmes sont à pointer. La vie quotidienne des Malagasy est dominée par l’insécurité, le manque de vision des politiques, l’inefficacité et la faiblesse des structures étatiques, l’accession difficile, voire impossible à des formations d’excellence et de qualité de la grande majorité de la population, la corruption généralisée, marquée par des trafics illicites, des détournements, les mainmises et des malversations à toutes les strates sociales et économiques du pays, un système de santé darwiniste, où l’argent est le seul maître à bord, la destruction effrénée du patrimoine forestier. À tout cela s’ajoute des facteurs exogènes impactant gravement sur le développement du pays : les cyclones, les sécheresses et les inondations à répétition.
Ces maux accumulés ont véritablement fragilisé les tissus économique, social et politique du pays et favorisent grandement à freiner la croissance et à faire face au spectre de l’explosion sociale cyclique. Dans le silence, le peuple Malagasy survit au jour le jour et aspire à plus de justice sociale, de justice environnementale, et de justice économique. Quelles nouvelles approches sociale, économique, environnementale et politique. Que faudrait-il mettre en œuvre pour sortir le pays dans sa course vers l’échec ? La réussite entrepreneuriale ne suffit plus. Il est temps de constater l’absurdité et les errances politiques de ces 60 dernières années, il est urgent de faire autrement et faire place à l’audace des réformes des mentalités, à l’émergence d’idées nouvelles. La course à la prochaine élection présidentielle a déjà commencé, mais faudra-t-il le rappeler : la vocation en politique n’est pas de se faire servir, mais plutôt de servir et d’offrir ce qu’on a de meilleur. Appréhender ses limites, se réinventer en profondeur et revenir à la source pourraient être des pistes à explorer pour se renouer avec la réussite.
- L’énigme et le paradoxe – Economie politique de Madagascar. M. RAZAFINDRAKOTO, F. ROUBAUD, J-M WACHSBERGER IRD Editions/AFD (2017)