Pourquoi Madagascar n’a jamais réussi à réduire son économie informelle ?
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com
Les élections se succèdent mais rares sont les dirigeants à avoir pris à bras le corps la lutte contre l’économie informelle. Dans les débats nationaux tout comme au sein de la diaspora ou encore dans les milieux intellectuels, ce sujet semble échapper alors qu’il se situe vraisemblablement au centre de notre développement.
En Afrique de l’ouest, un président en a fait un sujet central, quitte à s’attirer les foudres de ses concitoyens. Patrice Talon, fraîchement élu en 2016, au Bénin, surfe sur sa popularité composée de sa jeunesse et de son image fougueuse d’entrepreneur. Il s’érige comme l’opposant à l’économie informelle. Même si aujourd’hui, plusieurs griefs sont adressés au Président béninois, loin de faire l’unanimité sur plusieurs dossiers domestiques, il aura eu le mérite de pointer un problème majeur en Afrique. À Madagascar, la pandémie de Covid-19 a pointé les conséquences désastreuses de l’économie informelle. : Incertitude quotidienne, absence d’épargne, manque de projections et précarité économique pour les ménages, alors que pour l’État, l’économie informelle présente un manque à gagner considérable en recette fiscale et constitue une demande marginale et non structurée dans la recherche d’un marché intérieur sur le plan économique. En termes de statistiques, le secteur informel concentre 93 % des activités économiques selon l’INSTAT, en hausse constante, puisqu’en 2013, les autorités avançaient que 80 % de la population malagasy appartenait à l’économie informelle, soit une augmentation de 20 points entre 2008 et 2013.
Selon les derniers chiffres, le secteur informel contribuerait à hauteur de 24 % du PIB, soit presque 1/3 des richesses nationales. Si la grande proportion des malagasy ne cesse d’amplifier dans cette économie parallèle, au fil des années, c’est dû à l’arrivée massive de jeunes étudiants sur le marché du travail. Ils sont plus de 300 000 à chercher un emploi chaque année. L’État ne parvient pas à développer une économie intérieure permettant au secteur privé d’absorber une employabilité conséquente. Seulement 2.6 % des emplois sont issus du secteur privé ce qui est insuffisant alors que l’État dénombre 11 % de la part du salariat malagasy. Une politique de grands travaux selon les préceptes de John Maynard Keynes est plus que nécessaire à la seule condition de favoriser des parts de marché à destination de l’entreprenariat malagasy. À défaut de ce favoritisme national, il convient de mettre des conditions sur les entreprises étrangères dans la formation des malagasy ou dans l’embauche de « locaux ». Toutefois, cette politique ne suffira pas à ramener davantage d’actifs dans le secteur formel. L’État doit être le premier contributeur de richesse nationale en soutenant des projets d’entreprenariat et d’investissements locaux. Par l’éclosion d’une véritable politique macroéconomique la population informelle tendra à diminuer. Puis, le gouvernement devrait aussi apporter des avantages aux ménages afin que d’eux-mêmes, ils décident de mettre un terme aux seules activités qui leurs garantisse un revenu de survie. C’est tout sauf d’être une mince affaire…
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