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Madagascar 60 ans après • « Le Foyer de Rabeigy », un espace de liberté

Madagascar 60 ans après • « Le Foyer de Rabeigy », un espace de liberté
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Un bel ouvrage avec un intérêt historique majeur est paru en juin 2019 dans les éditions Maisonneuve & Larose/Hémisphères : « Lettres de Tananarive, Jean Beigbeder à son père 1924-1927. Ce livre recense les 127 lettres précieusement gardées, constituant les échanges entre Jean Beigbeder et son père entre 1924 et 1927. Une correspondance privée bien conservée, située entre les lettres de Jean Paulhan1 et les Calepins bleues de Jean-Joseph Rabearivelo2. Il témoigne d’un moment colonial dans une ancienne capitale royale et aussi des mutations et continuités de la vie à Antananarivo dans une atmosphère apaisée sur un fond de rébellion en couvaison. Les lettres se situent dans une période d’embellie économique marquée par la montée de la contestation anticoloniale. À travers ses lettres, Jean Beigbeder fait le récit des évènements marquants qui se déroulent dans cette ancienne cité royale où les Vazaha (blancs) doivent prendre leurs marques alors même que les malgaches y subissent la discrimination.

Rabeigy, père du scoutisme protestant

Dans une période où les Vazaha était mal vus dans la capitale, Jean Beigbeder fait la différence, il était accepté à tel point que son nom fut malgachisé en Rabeigy. Très attaché à Madagascar et à sa culture, Jean Beigbeder fonda à Antananarivo les fondations du mouvement du scoutisme protestant malgache, l’Union Chrétienne des Jeunes Gens (UCJG), un lieu unique, en pleine période coloniale, où se côtoyèrent les élites Malgaches avec les missionnaires Français et Anglais, un lieu de bouillonnement de culture et d’échanges intellectuels, un lieu où la langue utilisée pendant les réunions était uniquement le Malagasy. Par ce lieu, Rabeigy voulut donner à différentes générations d’accéder à la culture européenne et cherche à faire de ce foyer un espace franco-malgache. Quant aux malgaches, ils réussissaient à en faire de ce lieu un « espace de liberté », à un moment où la contestation anticoloniale prenait de l’ampleur. Le « Foyer » contribuait ainsi à les révéler non comme des simples sujets mais comme des acteurs de leur destin individuel et collectif. Cet espace était devenu un lieu de mûrissement des idées et de la contestation anticoloniale. On y apprenait la liberté civique, dans un cadre plus souple que celui de l’école. Fidèle disciple de Baden Powell, il avait pour objectif : « la mise en valeur de l’individu pour le meilleur service de tous ». On pourrait dire que Rabeigy ne contrôlait pas vraiment la situation sur le plan politique. Mais sans contestations, c’est lui le père du scoutisme malgache d’inspiration protestante qui fêtera son centenaire en 2024.

Découvrez l’intégralité de notre interview avec les deux auteures de ce bel ouvrage, un livre qui vous transporte dans la Ville des Milles au début du 20ème siècle :  Faranirina Rajaonah, spécialiste en histoire sociale et culturelle de Madagascar au XXe siècle, Professeure à l’Université d’Antananarivo puis à Paris-Diderot, elle est membre du Comité scientifique de l’Histoire générale de l’Afrique de l’UNESCO & Claire-Lise Lombard, responsable de la Bibliothèque du DEFAP-Service protestant de mission, à Paris, elle est également chargée de la valorisation des archives de la Société des missions évangéliques de Paris.

Fabien G. RAZAKANDRAINIBE, Editorialiste.

[1] Les Hain-teny merina. Poésies populaires malgaches, recueillies et traduites par Jean Paulhan, Paris, Geuthner, 1913.

[2] Rabearivelo, Œuvres complètes, tome I, le diariste, l’épistolier, le moraliste, édition critique coordonnée par Serge Meitinger, Liliane Ramarosoa et Claire Riffard, CNRS Éditions / Présence Africaine Éditions, 1274 p., Paris, 2010

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