28ème sommet AFRIQUE/France : Arrêtons nos pensées de « colonisés »
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com
Le 28ᵉ sommet Afrique France qui s’est tenu le 8 octobre en France doit augurer une nouvelle forme de coopération. Ce désir de changement des deux parties, qui a été longuement exprimé par le Président Emmanuel Macron et la Diaspora africaine présente à Montpellier, semble entretenir un semblant de renouveau après des interventions franches et sans filtre. Une chose est déjà acquise, Emmanuel Macron n’a pas dissimulé son exaspération en composant sans la présence de chefs d’État, une première pour ce raout, laissant place à la jeunesse et à la Diaspora africaine dans un continent où la population médiane oscille autour de 19 ans. Qu’avons-nous donc appris de ce sommet Afrique France inédit ? Assisterons-nous définitivement à l’enterrement de la Françafrique, point sur lequel toutes les parties présentes ont rejeté sévèrement ?
Les contradicteurs d’Emmanuel Macron en Afrique sont aussi nombreux que du temps de ces prédécesseurs. Il ne s’agit pas d’attaques liées à sa seule personne, mais bel et bien de la relation indigeste entre la France et l’Afrique. Pourtant, Emmanuel Macron a toujours été habile, assez clair sur cet axe majeur de la politique étrangère française. Il reconnaît les torts causés par la France au sujet de la colonisation, il comprend et admet implicitement que la Françafrique a conduit à un paternalisme toujours à l’avantage de la France. Néanmoins, il se refuse de présenter des excuses au continent-mère qui reviendrait à balayer d’un revers de main, l’histoire de France. Le volontarisme de se défaire de ce passé gênant s’est suivi d’actes forts en s’adressant, certes à la partie du peuple africain la plus éloignée du continent, par le biais de la Diaspora au détriment des chefs d’État, mais qui n’en demeure pas moins très influente, ne serait-ce que par sa contribution économique, estimée à 48 milliards de dollars pour l’Afrique subsaharienne. La jeunesse africaine n’a pas trébuché au moment de s’exprimer face au président français afin de partager tout ce qu’elle avait sur le cœur, entre le colonialisme, la Françafrique, l’ingérence, l’aide au développement, tout a été abordé sans aucun filtre comme l’ont rappelé certains intervenants.
Si la relation entre les pays d’Afrique et la France était une marmite, elle serait sale
Si la diaspora s’est livrée sans concession, elle a fait montre d’un manque de maturité politique. Elle cultive les paradoxes. D’un côté, elle déplore l’ingérence française, l’aide au développement et de l’autre, elle aimerait une France plus engagée pour dénoncer les présidents qui s’éternisent à la tête des États. Emmanuel Macron comprend bien la dualité de la jeunesse africaine qui vient annihiler in fine toute aspiration à une réelle indépendance de l’Afrique. En réalité, l’erreur des africains, c’est de continuer à croire que la France mettrait au second plan ses intérêts. L’Afrique, elle-même devra se construire en préservant ses intérêts. La seule discussion et coopération possibles mettent aux prises les intérêts des deux camps. Aucun pays au monde n’abandonnerait ses intérêts pour des motifs émotionnels comme tend à le faire la diaspora africaine. Dans le fond, nous pouvons dire que les africains continuent d’être des êtres éternellement « émotionnels ». Parler du passé comme si c’était hier, invectiver la France pour ses ingérences et ses positions alors que si l’Afrique veut être considérée au rang de pays libre, il doit être au clair avec la France qui est certes un pays ami, mais il agira toujours dans son seul intérêt. Ainsi attendre de la France qu’elle présente ses excuses à l’Afrique entre à l’encontre de ses intérêts, y compris le fait de sortir des présidents considérés comme des « marionnettes », c’est contre ses intérêts. La France le dénoncera habilement et ne s’émoustillera pas d’un renversement du pouvoir comme l’a subi le Président Alpha Condé. Néanmoins, son indignation s’arrêtera au constat pour ne pas s’ingérer dans des affaires domestiques. In fine la politique se compose de nuances ce qui signifie que l’État Français ne s’opposera pas à l’avènement d’une nouvelle classe politique qui redéfinira les contours de la coopération, mais cela se réalisera uniquement par les africains et personne d’autre.
Analyse fort pertinente…. et appelant une suite tant du côté des acteurs (qui), les citoyens conscientisés, jeunes ou pas, que de celui de la stratégie (comment), doctrine et moyens.