Téléphérique à Madagascar, quel choix politique ?
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com
Le Président Andry Rajoelina s’attire une fois de plus la fronde au sujet du projet d’un téléphérique à Antananarivo. Les contradicteurs opposent ce projet aux problèmes de cyclones, d’inondations, de famine dans le sud, voire d’autres sujets à caractère social, jugés prioritaires.
A vrai dire, ce débat, qui consiste à opposer des projets d’infrastructures à une politique sociale visant à éradiquer la famine, est une constante en Afrique. En Côte d’Ivoire, la population a soupiré cette phrase devenue célèbre « on ne mange pas le goudron » ce qui a suscité aussi un contre-argument du Président de la Banque Africaine de Développement (BAD), le DAkinwumi Adesina « Non, on mange le goudron parce que c’est le goudron qui emmène le progrès « . De toute évidence, Madagascar n’échappe donc pas à ce débat autour des infrastructures.
Au-delà des clivages, de toute esquisse de politique politicienne, Andry Rajoelina a initié un projet intelligent au demeurant qui mérite d’y porter une attention. Si ses détracteurs s’insurgent sur le prix du ticket estimé à 1 euro, le coût de construction évalué à 150 millions d’euros ou encore le fait que ledit téléphérique longera le palais de la reine, néanmoins, le désengorgement de la capitale est indispensable pour le développement économique. Sans outrepasser, le fait que le téléphérique est considéré comme le moyen de transport le plus écologique, n’émettant aucune émission de CO2, que celui-ci couvrira 12 km, 12 gares pour 40000 passagers par jour, il s’impose comme un indispensable au développement de Madagascar. Penser que Madagascar se développera sans infrastructures et uniquement en pansant les plaies conduira à un nouveau cycle de 60 ans d’indigence. Pour autant, il ne s’agit pas de négliger une politique d’État providence dont Madagascar a besoin. Mais nier que le téléphérique peut apporter un attrait pour la capitale, pour les touristes qui apercevront le palais de la reine – que des entrepreneurs pourront joindre plus aisément un point à un autre- cela vient à renier notre volonté de développement.
Si les étrangers fustigent Madagascar pour cette décision, c’est peut-être le signe que c’est bon pour nous ?
Plus surprenant dans ce projet qui sera piloté par deux sociétés françaises, la société Poma et la Colas, des parlementaires français ont étalé leur bien-pensance de coutume pour un pays « pauvre » comme Madagascar, en stigmatisant les autorités locales. En effet, le sénateur communiste Pierre Laurent exige l’abandon du projet, et de « consacrer les moyens prévus à un projet plus adapté aux besoins urgents de la population malgache ». La politique induit trancher et faire des choix. Que la population souffre autant qu’elle ne comprenne pas la portée du projet, cela est légitime et compréhensible, jamais un concitoyen issu de la classe paupérisé ne pourra se projeter au-delà de ce qu’il aperçoit dans son assiette. Pour ce qui est de l’État, il doit jongler entre politique structurelle qui oblige à une réflexion à long terme, propice au développement ou à l’émergence, et pallier les urgences sociales et climatiques qui ne datent pas d’aujourd’hui, par ailleurs. Ce travail du quotidien est la réalité à laquelle est confrontée la gouvernance malagasy car nous ne pouvons faire fi des éventements récents au sein de la capitale. Cette dernière a été ravagée par des inondations catastrophiques dues à de violents orages et une tempête tropicale provoquant, ces derniers jours, plus de 34 morts et 62 000 personnes touchées). Il convient aussi d’y apporter des solutions urgentes et durables, aucun débat n’est nécessaire sur ce point…