
Îles Éparses : Madagascar, les a-t-elle perdues définitivement ?

Alors que les négociations entre Madagascar et la France piétinent depuis des années, la question de la souveraineté sur les îles Éparses revient sur le devant de la scène, suite à la venue d’Emmanuel Macron en terre malagasy. Mais face à un contexte international défavorable et une diplomatie française habile, la Grande Île semble perdre peu à peu du terrain, sinon la bataille.
Il y a des dossiers qui traversent les décennies, croisent des acteurs différents et conservent une résonance particulière. Celui des îles Éparses appartient à cette catégorie de sujets qui semblent condamnés à l’attente, en quête d’une issue politique toujours repoussée. En réalité, le temps joue en faveur de la France, restée maîtresse de ces îles à la faveur d’une décision unilatérale prise au moment des indépendances, en 1960.
Dès son arrivée au palais d’Iavoloha en 2019, Andry Rajoelina avait fait de la restitution des îles Éparses une priorité de sa politique étrangère. Porté par l’enjeu économique que représentent les quatre îles — Europa, Bassas da India, Juan de Nova et les Glorieuses —, il avait réussi à rallier l’opinion publique derrière lui, ravivant un souverainisme hérité des années 80. En mai 2019, lors de sa première visite officielle en France, le président malgache avait publiquement réitéré ses ambitions, s’adressant à la diaspora réunie pour l’occasion à l’UNESCO. Il avait ensuite formulé une demande officielle de restitution aux côtés d’Emmanuel Macron. Jugée timide, cette déclaration avait néanmoins le mérite d’exister. Mais l’élan retomba rapidement : le dossier s’enlisa, les négociations s’essoufflèrent, et les espoirs d’avancée s’estompèrent.
Il aura fallu attendre la visite d’Emmanuel Macron à Antananarivo, le 23 avril 2025 — première d’un président français depuis Jacques Chirac — pour que le sujet ressurgisse. En marge de ce déplacement, le chef de l’État français a réaffirmé la position de Paris : pas de restitution, mais une cogestion envisagée « en bonne intelligence ». Une option à laquelle Madagascar s’oppose fermement, exigeant une restitution pleine et entière.
Un contexte international défavorable à Madagascar
Le temps, à nouveau, pèse. La pression écologique, déjà présente, s’est accentuée avec le dernier Sommet de l’Océan à Nice, rendant la position malgache encore plus fragile. Alors que Madagascar s’est toujours appuyée sur le potentiel gazier des îles pour justifier sa revendication, le contexte international évolue. La France, quant à elle, s’aligne sur les dynamiques environnementales mondiales et pense secrètement étouffer les ambitions malagasy de manière à préserver son influence dans l’océan indien.
Lors du Sommet de l’Océan tenu à Nice en juin 2025, Emmanuel Macron a fait l’étalage de sa vision sur la gestion des océans avec un effet indirect sur le dossier des îles éparses. Il a défendu une approche ferme contre l’exploitation offshore, ce qui ne peut emêcher de rapprocher avec le potentiel en hydrocarbure des îles Bassas da India ou encore Juan de Nova, visées par Madagascar. Il a aussi plaidé pour l’interdiction du chalutage de fond, une technique pourtant vitale pour l’économie locale et côtière de la région. À cela s’ajoute une insécurité juridique grandissante : dans un tel contexte, les investisseurs internationaux seront peu enclins à soutenir un pays réclamant des zones dont le régime de souveraineté et le cadre environnemental sont incertains.
Conclusion pessimiste
Face à une France stratégiquement positionnée, s’appuyant sur l’écologie comme levier diplomatique, Madagascar semble fragilisée dans ces échanges asymétriques. L’isolement géopolitique, l’émergence de normes environnementales contraignantes, et l’absence de soutien international réel laissent penser que la restitution des îles Éparses s’éloigne chaque jour un peu plus. Peut-être, oui, les a-t-elle déjà perdues. Définitivement.