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Durabilité en Afrique : entre impératif global et réalités locales, vers une reconfiguration du modèle

Durabilité en Afrique : entre impératif global et réalités locales, vers une reconfiguration du modèle

Le Forum Investir en Afrique, coorganisé par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) et L’Opinion, a ouvert un espace de dialogue entre acteurs privés, décideurs politiques et institutions internationales. Au-delà des discours convenus sur le potentiel du continent, une question a émergé avec acuité : la durabilité doit-elle être pensée différemment en Afrique ?

Un cadre hérité, des réalités dissonantes

Les standards internationaux de durabilité – qu’ils soient environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG) – s’imposent progressivement dans les chaînes de valeur mondialisées. Mais en Afrique, leur transposition soulève des tensions. Le cadre est souvent perçu comme exogène, parfois dogmatique, rarement adapté aux configurations locales.
La logique dominante reste celle d’une conformité descendante : les entreprises africaines doivent se plier à des critères définis ailleurs, sous peine d’être exclues des financements ou des marchés. Or, dans des contextes où l’accès à l’énergie, à l’eau ou à des infrastructures de base reste lacunaire, l’application stricte de normes globales peut produire des effets inverses à ceux recherchés : freiner l’investissement, creuser les inégalités ou invisibiliser les solutions endogènes.

Repenser la durabilité comme levier de souveraineté

Derrière la question posée — faut-il une sustainability africaine ? — se joue en réalité une problématique de souveraineté économique et cognitive. Une durabilité pertinente ne peut être qu’ancrée dans les besoins des sociétés africaines, conçue avec leurs acteurs économiques, et alignée sur une vision de développement qui dépasse la seule réduction des externalités négatives.

Cela suppose de réinterpréter les priorités : ici, une entreprise durable est d’abord celle qui crée des emplois formels, soutient la montée en compétences locales, structure des filières industrielles et contribue à la résilience territoriale. L’impact environnemental compte, certes, mais il doit être évalué dans un cadre systémique, tenant compte du niveau de développement, des capacités d’investissement et des arbitrages à faire entre croissance et soutenabilité.

Vers des référentiels hybrides et contextualisés

Plusieurs intervenants au Forum ont plaidé pour l’émergence de référentiels hybrides, articulant les exigences internationales aux dynamiques locales. Il ne s’agit pas de rejeter les ESG, mais de les adapter — voire de les compléter — par des indicateurs plus pertinents : création d’emplois décents, accès aux services de base, sécurité alimentaire, inclusion financière, résilience climatique.
Ce changement de paradigme implique également une révision des modèles d’investissement. Plutôt que d’attendre une conformité préalable, les bailleurs doivent accompagner la transformation progressive des entreprises africaines, à partir de leurs trajectoires réelles. La finance climat, notamment, gagnerait à intégrer une logique de co-construction et de soutien différencié selon les niveaux de maturité.

Une transition stratégique à piloter

L’enjeu n’est donc pas seulement technique. Il est éminemment politique et stratégique. Repenser la durabilité en Afrique, c’est reconnaître que le continent n’est pas un terrain d’application passif de politiques globales, mais un acteur de plein droit dans la redéfinition des modèles économiques de demain.
Cette perspective invite les entreprises africaines à ne pas subir la sustainability, mais à la reconquérir comme un levier de compétitivité, de légitimité et d’innovation. Et aux partenaires internationaux, à reconnaître la nécessité d’une différenciation intelligente, non comme un passe-droit, mais comme une condition d’efficacité et d’équité.
La durabilité n’est pas un luxe. En Afrique, elle est une urgence — mais une urgence à penser autrement.
Durabilité en Afrique : entre impératif global et réalités locales, vers une reconfiguration du modèle
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