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Intégration africaine : un rêve en marche lente, Madagascar face à ses contradictions

Intégration africaine : un rêve en marche lente, Madagascar face à ses contradictions

Nous avons analysé le dernier Rapport sur l’intégration africaine 2025. Ce document, produit à l’échelle continentale, se veut un baromètre de l’unité africaine. Mais à sa lecture, une vérité s’impose : l’Afrique avance, mais elle avance à reculons. Les discours flamboyants cachent mal les lenteurs de la mise en œuvre, les promesses s’empilent alors que les peuples attendent encore que l’intégration devienne une réalité vécue.

Intégration africaine : un rêve en marche lente, Madagascar face à ses contradictions
Intégration africaine : un rêve en marche lente, Madagascar face à ses contradictions

L’Afrique, entre vision et mise en œuvre

Depuis des décennies, l’Afrique a multiplié les initiatives : création de la Zone de libre-échange continentale (ZLECAf), projets d’infrastructures régionales, accords de libre circulation. Le rapport constate que ces chantiers ont ouvert des perspectives inédites.

Mais le constat est sévère :

  • Institutions fragiles, souvent dépendantes de financements extérieurs.
  • Faible commerce intra-africain (encore en dessous de 20 % des échanges totaux).
  • Fragmentation politique et conflits récurrents.
  • Exclusion persistante des jeunes et des femmes des processus de décision.
  • En d’autres termes, l’intégration africaine reste encore un horizon, pas un vécu.

Madagascar : l’angle mort de l’intégration ?

Dans ce rapport, Madagascar apparaît comme un cas particulier, presque un angle mort de l’intégration africaine. Insulaire, isolée géographiquement, l’île reste marginalisée dans les flux commerciaux intra-africains.
Quelques éléments clés ressortent :
  • Faible participation au commerce intra-africain : la grande majorité des exportations malgaches (vanille, nickel, litchi) part vers l’Europe, l’Asie et les États-Unis. L’Afrique reste une destination secondaire.
  • Infrastructures déficientes : ports vétustes, liaisons maritimes irrégulières, routes intérieures dégradées qui freinent les échanges régionaux.
  • Intégration institutionnelle limitée : Madagascar est membre de la SADC et du COMESA, mais son engagement effectif reste faible, faute de volonté politique et de moyens financiers.
  • Opportunités inexploitées : le rapport souligne pourtant que Madagascar pourrait être un acteur majeur dans l’économie bleue (pêche, commerce maritime, énergies marines) et dans la transition numérique, grâce à sa position stratégique dans l’océan Indien.
  • Les blocages structurels de la Grande Île
Les faiblesses malgaches recoupent les critiques globales du rapport :
  • Gouvernance fragilisée par la corruption et la financiarisation de la politique.
  • Absence de politique industrielle sérieuse, qui empêche de transformer localement nos ressources.
  • Dépendance aux bailleurs qui affaiblit l’autonomie stratégique.
  • Faible inclusion de la jeunesse dans les décisions, alors qu’elle est en première ligne des frustrations et des révoltes.

Quelles pistes pour Madagascar dans l’intégration africaine ?

Le rapport ne se contente pas de dresser un constat. Il ouvre des pistes, dont plusieurs concernent directement Madagascar :
  • Construire des ponts maritimes et numériques : Madagascar doit investir dans ses ports, ses câbles sous-marins et sa connectivité pour s’arrimer aux flux africains.
  • Valoriser l’économie bleue : pêche, commerce maritime, énergies renouvelables marines, coopération avec les îles voisines (Maurice, Comores, Seychelles).
  • Renforcer la transformation locale : créer des chaînes de valeur régionales autour de la vanille, du textile, des mines.
  • Miser sur la jeunesse : reconnaissance régionale des diplômes, mobilité académique, insertion dans les instances de gouvernance.
  • Réformer de l’intérieur : sans institutions solides, toute stratégie d’intégration restera un mirage.

Rompre l’isolement, rompre le cycle

Ce rapport est un miroir. Il dit l’Afrique telle qu’elle est : pleine de visions mais prisonnière de ses contradictions. Et Madagascar, plus que d’autres, illustre cette fracture : riche en potentiel, pauvre en intégration.

Rompre l’isolement de la Grande Île ne passera pas seulement par les navires et les câbles : cela passera par un changement profond de notre gouvernance, par une réappropriation citoyenne de notre destin.

La Génération Z malgache, déjà en révolte dans nos rues, réclame dignité et avenir. L’intégration africaine ne peut rester un slogan dans les palais présidentiels : elle doit devenir un projet vécu par les peuples, dans leur quotidien.
Madagascar est à la croisée des chemins. Soit nous restons spectateurs de l’intégration africaine, soit nous en devenons un acteur à part entière. La différence ne viendra pas des traités, mais de notre capacité à transformer l’énergie de notre jeunesse en un nouveau départ national et continental.

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