Chine – Madagascar : Quelle coopération pour atteindre l’émergence ?
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
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En janvier 2019, Andry Rajoelina était investi comme Président de la République de Madagascar. Parmi les premiers pays à le féliciter, il y eut d’abord les États-Unis, ensuite la France et enfin la Chine. Cet ordre résume quelque peu l’histoire de ce 21ème siècle pour Madagascar, qui a renforcé ostensiblement sa relation avec les États-Unis sous le règne de Marc Ravalomanana, adepte de l’Anglophonie qui s’est matérialisé par l’incorporation de l’anglais dans la constitution après un referendum en 2007 et surtout, quelques années avant, l’intégration économique au sein de l’Africa Grows and Opportunity Act (AGOA), en 2001. Sous Andry Rajoelina et la période de transition, nombreux observateurs défendaient le retour au premier plan de la France, se basant sur les bonnes relations et les réseaux du plus jeune chef d’État malgache. Mais, un autre acteur a opéré sans jamais s’ingérer dans les affaires politiques domestiques, comme a coutume de faire l’empire du milieu, la Chine.
Ses deux faire-valoir : la rapidité des réalisations d’infrastructures et une véritable relation bilatérale.
La Chine n’est pas encore encline à faire du soft-power ou à avoir une influence sur les hommes siégeant à la présidence, ce qui est un atout dans sa relation entretenue avec l’Afrique, plus globalement. Il y a plusieurs mois, des soupçons se cristallisaient autour d’un autre acteur aux envies expansionnistes, la Russie, qui aurait financé la campagne de plusieurs candidats aux dernières élections présidentielles dont le Pasteur Mailhol qui a fini à une honorable quatrième place derrière les trois favoris pressentis. Le Belt and Road (la ceinture et la route, plus connu sous l’appellation de la nouvelle route de la soie) impulsé en 2013 par Xi Jinping, le président chinois en exercice, a suscité des frémissements sur le continent africain, y voyant de nouveaux investissements juteux[1] pour contribuer aux différents plans d’émergence défendus par pléthores de présidents africains[2] : Ali Bongo, Macky Sall, Denis Sassou-Nguesso, Alassane Ouattara et Andry Rajoelina.
En quoi le Madagascar d’Andry Rajoelina peut y voir un pont vertueux pour son PEM*
Andry Rajoelina aime rappeler ce qui a fait sa réputation et son surnom TGV (en faisant allusion au Train à Grande Vitesse, en France), sa rapidité à agir « fini le pays du moramora, place au TGV » comme il l’a clamé, lors de sa conférence en faveur de la diaspora à l’Unesco, le 2 juin 2019. Une concordance avec la façon de faire chinoise. En effet, la Chine a changé la donne en Afrique en réalisant des projets avec célérité et en débloquant les fonds tout aussi rapidement « les projets peuvent être signés en un an, alors qu’ils pourraient mettre 10 ans à voir le jour avec des bailleurs internationaux comme la Banque mondiale » affirmait l’économiste Jean-Joseph Boillot. Aussi, la Chine accorde une importance primordiale à la construction de routes, un secteur défaillant à Madagascar, estimé à 30000 km dont 48 % du réseau en très mauvais état selon le ministère des travaux publics en 2016. La Chine y voit deux intérêts fondamentaux dans les projets routiers, aéroportuaires ou ferroviaires. Premièrement, elle emporte des marchés juteux en contractant avec des États, la meilleure garantie financière. Puis, secondement, ces nouvelles infrastructures seront la clé pour de meilleurs échanges commerciaux entre le continent africain et la Chine qui entrevoit une route de la soie passant par l’Afrique avant d’atterrir en Europe. Une triangulaire économique comme clé de voute du nouveau modèle vertueux pour la Chine. En 2018, sur les 54 pays composant le continent, seuls quinze États n’intégraient pas encore les pays membres des nouvelles routes de la soie.
Madagascar fait partie des pays « heureux élus » puisque Hery Rajaonarimampianina avait signé des accords bilatéraux, par la voie de son ministre, chargé des affaires présidentielles, Narson Rafidimanana, qui engageait la grande île sur 5 ans jusqu’en 2023. La Chine est donc mandatée sur les infrastructures, l’agriculture, le tourisme, les zone de libre-échange. À l’heure où la méfiance voire la défiance envers la Chine se fait ressentir, il convient de bien analyser les investissements de l’Empire du milieu au risque de regretter cette manne financière indispensable, dans le temps.
[1] 94 milliards de dollars investis en prêts à destination de l’Afrique par la Chine entre 2000 et 2015
[2] Sur les 54 pays africains, on recensait 37 plans d’émergence
*Plan Emergence Madagascar