Peut-on parler de Néo-colonialisme russe en Afrique ?
“Néo-colonialisme” ou “colonialisme économique” ; ces termes apparaissent pour définir les possessions économiques des anciens empires coloniaux principalement européens dans les anciennes colonies africaines. Cette pratique n’est cependant pas limitée aux pays d’Europe. En effet, tant bien la chine par sa stratégie de la dette que la Russie par ses actions de désinformation en Afrique, les puissances de ce monde tentent tant bien que mal de s’octroyer des richesses sur le continent.
Le 5 Juin dernier, Sergueï Lavrov s’est rendu en Afrique pour établir des partenariats stratégiques dans les secteurs de la sécurité et de l’énergie. Cette visite intervient dans un contexte international tendu, entre sa volonté de concurrencer l’influence de la France en Afrique et la tension entre l’Europe et la Russie sur le dossier Ukrainien. Ainsi, on peut résumer cette visite autour des 3 raisons majeures :
Protection Russe contre la menace Djihadiste ou s’agit-il d’une perte de souveraineté militaire ?
La Russie a annulé plus de 20 milliards de dollars de dette au fil des années, allant même jusqu’à 26 Milliards de dette au cours des années 2000. De ce point de vue, il y a un clair engagement de la Russie notamment dans le sahel. Sergueï Lavrov vise à renforcer la présence militaire russe dans la sous-région par le biais du groupe paramilitaire Wagner. C’est au Burkina Faso ou il a annoncé vouloir augmenter le nombre d’instructeurs russes. La Russie deviendrait, ainsi, un « des membres des forces de l’ordre du Burkina Faso ». Le prétexte utilisé est la présence de groupes Djihadistes qui ont fait déjà plusieurs milliers de morts et de déplacés internes.
Même Argument, avec Brazzaville, où Moscou a insisté sur « la coopération militaro-technique ». Une fois de plus, la Russie propose son assistance pour contrer une « menace terroriste ». Cependant, le discours politique de la Russie reste séducteur vis-à-vis des pays du Sahel, où elle nie toute volonté coloniale derrière ses partenariats comme le précise Sergeï Lavrov « Nos relations avec le Burkina Faso se développent et n’ont jamais eu de caractère colonial ». lors d’une conférence à Ougoudou le 5 Juin 2024 en présence du Ministre Burkinabé Karamako Jean-Marie Traore.
Un besoin de soutien internationale dans le cadre de la guerre en Ukraine
Le Kremlin utilise cette tournée pour chercher des soutiens dans le cadre de la guerre en Ukraine. La Russie établit un parallèle entre un “désordre Africain” causé par l’occident et une situation ukrainienne envenimée par l’Europe. Sergueï Lavrov cible le moment parfait pour destabiliser la position des pays européens. En effet, ces paroles interviennent 10 Jours avant la conférence sur la paix en Ukraine, prévue le 15 et le 16 juin en Suisse.
La France est visée dans son pré-carré
Sergueï Lavrov s’est rendu au Tchad, que la Russie considère comme le dernier pré-carré de la France dans la Région. Cette dernière a une présence militaire dans quatre des six pays frontaliers du Tchad et a donc un intérêt de le faire basculer afin de bâtir une alliance anti occidentale dans la région. La place de la France est menacée par la présence de la Russie. En effet, la Russie et le Tchad entretiennent des relations peu fréquentes mais qui s’intensifient cette dernière décennie, ponctuée par des contacts réguliers et de visites diplomatiques. Les relations se sont progressivement améliorées jusqu’en janvier 2024, à l’occasion de la visite de Mahamat Idriss Déby, félicité par Poutine d’avoir « réussi à stabiliser la situation » au Tchad.
S’il est essentiel de ne pas considérer les États du Sahel comme entièrement dépourvus de pouvoir dans leurs décisions politiques, l’influence de la Russie dans la région est indéniable. Les propositions de coopération de la Russie aux États du Sahel peuvent sembler très avantageuses à court terme, mais elles manquent de sécurité à long terme. En revanche, des pays comme la France cherchent à établir des accords durables. Il est également important de ne pas réduire les pays africains à leurs seules élites politiques, car ces dernières tendent à privilégier des gains immédiats plutôt que l’avenir de leurs pays. Dans ce contexte, la Russie n’apparaît pas comme un partenaire de choix pour le long terme.
Article rédigé par Ilhan Martin.