« Guerre » civilisationnelle, société française fracturée ?
CO-FONDATEUR & REDACTEUR EN CHEF
Spécialisé dans la communication et l’analyse politique. Il intervient notamment sur les médias spécialisés sur l’Afrique.
gregory.sileny@madagascar-media.com
L’affaire autour de l’Imam Hassan Iquioussen a fait couler beaucoup d’encre au sein de la société française. Si Gérard Darmanin a essuyé un refus de la part du tribunal administratif de Paris, venant ainsi confirmer le jugement de la Cour Européenne des droits de l’Homme (CEDH) ; l’expulsion ou l’intention d’expulser cet imam révèle une tendance sur la nature du vivre-ensemble.
Les médias français se sont délectés avec une telle affaire qui vient une fois de plus stigmatiser la communauté musulmane de France. Il y a des mots clés, tel un algorithme, qui attirent la presse : Frères Musulmans, extrémiste, prédicateur, rigoriste…A partir de cette sémantique, le ministre de l’Intérieur a donc agité les médias présentant fièrement son combat contre Hassan Iquioussen et n’hésitant pas à outrepasser sa fonction et en s’ingérant dans une affaire qui relève in fine de la Justice. Au-delà du battage médiatique, peu intéressant au passage, ce que nous relevons c’est la montée subliminale d’un « extrêmisme » politique au sujet du fait religieux, et l’Islam en particulier.
3 vagues ont gagné la France au cours du 21ème siècle
A l’origine, le combat des pouvoir publics se polarisait contre les femmes voilées. Beaucoup des citoyens découvrait alors des mots qui sont devenus, avec le temps, plus familiers : Burka, niqab, hijab. La communauté musulmane changeait aussi sa pratique de la Foi en venant affirmer ostensiblement son identité. Cette période post 11 Septembre a entraîné un combat contre la montée de l’islamisme auquel a participé Nicolas Sarkozy contribuant aussi à sa popularité. Son débat qui l’a opposé à Tariq Ramadan reste gravé dans les annales.
A cette époque, il est vrai, le problème du voile intégral est davantage abordé sur le plan sociétal comme un séparatisme naissant au sein de la société, au détriment de la question politique afférente.
La conclusion de cette première période amène à la loi du 11 Mars 2004 sur l’interdiction du port de signes ostentatoires dans les établissements publics relevant de l’éducation Nationale.
Quelques années plus tard, un nouvel aspect surgit lorsque la problématique du terrorisme s’impose dramatiquement en France avec les actes terroristes commis par Mohamed Merah. Ce qui est visé par les autorités se tourne désormais non plus uniquement vers la question du voile mais vers l’islam politique, l’idéologie des Frères Musulmans et le wahhabisme, à l’origine du terrorisme naissant dans les banlieues, et attirant une frange marginale de la population. Un nouveau sujet s’impose de facto avec la déchéance de nationalité qui pointe des profils comme le terroriste Mohamed Merah ayant la nationalité française, sous François Hollande.
Maintenant, une troisième vague est en train de s’abattre sur la société française puisqu’il s’agit au départ d’une loi du 24 Août 2021 sur le séparatisme avec in fine un nouvel aspect, semble-t-il, qui vient préoccuper le gouvernement, s’attaquer aux autorités qui font foi, à savoir les Imams. Il est à noter jusqu’à présent, faute de porte-parole au sein de la société civile, les musulmans n’ont jamais condamné expressément tous les troubles qui existaient manifestement en leur sein. Lorsque des radicalisations étaient manifestes, la présence idéologique des Frères Musulmans et bien d’autres sujets mis sur la table. Les services de contrôles étatiques reconnaissent que les délations sont assez récentes au sein de la communauté musulmane. Par ailleurs, encore aujourd’hui, beaucoup de musulmans s’insurgent de cette expulsion de Hassan Iquioussen ou ne la comprenne pas. Aujourd’hui, seul l’imam Hassen Chalghoumi tente de faire exister une autre vision de l’Islam mais s’érige à son encontre toute une communauté, celle que l’on entend au demeurant, le qualifiant ainsi de traître à cet égard. Toutefois, il faut préciser que plusieurs Imams, d’une autre génération, ayant une résonance au sein de la communauté musulmane ont critiqué le wahabbisme sans que cela produise pour autant beaucoup d’échos dans la sphère médiatique.